Une économie de marché qui concentre le pouvoir économique entre les mains d'une minorité ("market-dominant minority") et une démocratie qui renvoie le pouvoir politique officiel à la majorité appauvrie réunissent les conditions pour exacerber les tensions sociales. C'est du moins ce que postule Amy Chua, professeur de droit à l'université de Yale, après des études empiriques dans son livre "World on Fire: How Exporting Free Market Democracy Breeds Ethnic Hatred and Global Instability".
D'emblée il faut dissiper l'amalgame racial en ce qui concerne l'hégémonie économique. Les Chinois en Indonésie, les Indiens au Kenya, les descendants d'Européens à Maurice, au Zimbabwe et en Martinique sont des exemples témoignant de la diversité ethnique dans le pouvoir économique.En effet, la concentration de la richesse a des origines plus historiques - souvent coloniales - et politiques. Quand l'Etat ne joue pas convenablement son rôle de régulateur, toutes les dérives sont possibles. Dépendant du degré, l'entente délictueuse entre certains membres de la politique, de la fonction publique et du secteur privé ("crony capitalism") peut être dévastatrice.
Avec le déclin économique, les sentiments d'humiliation et d'injustice que subissent les peuples remontent à la surface. L'ignorance et l'arrogance du pouvoir par rapport aux inégalités ouvrent une brèche que les démagogues exploitent à volonté. De plus, lorsque le schéma ethnique ou religieux s'associe dans la psyché collective à cet état des choses, les ingrédients d'un cocktail explosif sont, d'ores et déjà, disponibles.
La mondialisation est perçue comme un phénomène similaire où les États-Unis incarnent le "market-dominant minority". Toutefois, dans l'affrontement entre les radicaux, ceux qui brocardent uniquement les activistes de l'anti-mondialisation en épargnant le dogme du "Washington Consensus" véhiculé par le Fonds monétaire international manifestent peu de circonspection.
D'ailleurs, les militants lucides sont passés de l'anti-mondialisation à l'alter-mondialisation après Porto Alegre 2003. Preuve que la mondialisation est dorénavant acceptée comme un fait. C'est le modèle qui est contesté. Bref, au niveau international les choses commencent à se dessiner positivement. Comme toujours, les signaux d'un changement fondamental d'attitude doivent émaner des dirigeants éclairés.
Si on veut vraiment que la mondialisation soit soutenable tout en étant moins déstabilisatrice, il faut créer l'environnement qui permettra à ses bénéfices d'être répartis plus équitablement. En s'attaquant d'abord à la source de la corruption, en motivant les petites et moyennes entreprises pour qu'elles se multiplient et en accélérant la dérégulation des différents secteurs pour inciter les sociétés internationales les plus crédibles à s'implanter dans le respect des cultures locales.
La démocratie et le libre-échange, comme toute autre théorie certes, ne peuvent fonctionner dans un vacuum. Le piège à éviter justement, c'est d'en faire une fin en soi. Même si on doit admettre, de par l'évolution de l'histoire, qu'ils demeurent les meilleurs moyens pour générer la richesse. Encore faut-il les adapter à des contextes différents et les encadrer avec des paramètres favorisant la "corporate citizenship".
Nous verrons découler les solutions seulement lorsque nous cesserons de nous dérober à la réalité. C'est bien dans l'action que les bonnes intentions seront jugées.
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