Lorsque nous nous disputons sur la
manière de réduire l’impact négatif de la Covid-19 sur notre vécu, par
exemple, il s’agit très souvent de nos habitudes et de nos certitudes
que nous sommes prêts à céder pour atteindre notre objectif commun.
Cette situation peut également être décrite comme un bras de fer entre
le degré de notre tolérance aux mesures qui limitent notre liberté et le
degré de notre participation individuelle et collective à des
comportements visant à contenir la transmission de la Covid-19.
Comme dans toutes les autres
circonstances, la justesse de notre jugement détermine si, tôt ou tard, à
travers nos comportements, nous atteignons collectivement un équilibre
propice à un résultat positif. La part relative de notre quête de
l’intérêt personnel et celle du bien commun varie dans nos réactions.
Des contextes différents déclenchent évidemment des réactions globales
différentes.
La synergie souhaitée pour avancer
dépend de l’efficacité avec laquelle nos réactions convergent. La durée
pendant laquelle cette synergie peut être maintenue dépend de la durée
pendant laquelle une masse critique au sein du groupe ou de la
communauté est prête à collaborer.
En revanche, cette collaboration ne peut pas se manifester dans un vide. Il
est essentiel d’instaurer une confiance raisonnable entre les
institutions (à travers leurs chefs au sein de l’État, du gouvernement,
de l’entreprise, de l’école, de la famille, des médias, notamment) et
les individus.
Si nous percevons que l’effort que nous
consentions est récompensé de manière adéquate, non seulement en termes
financiers, mais également en termes de reconnaissance de notre valeur
et de nos besoins ou ambitions, la plupart d’entre nous seraient
inspirés à participer activement à tout projet ou aventure.
Par contre, ce cycle vertueux n’est pas
envisageable lorsque l’ascenseur – pour passer du statut de recalé
défavorisé au statut d’initié privilégié – semble être en panne, ou
semble être fonctionnel uniquement avec le recours à des démarches
louches.
Lorsqu’une méfiance réciproque persiste
et que le désespoir nous envahit au-delà d’un certain temps, ceux qui
sont privés de capacités suffisantes en termes de compétences et de
force mentale, ceux qui subissent un déclassement social, sont entraînés
dans une spirale de survie avec des défis énormes à surmonter. En fin
de compte, ceux qui sont épargnés par une désillusion et des carences
similaires finissent par en ressentir également les impacts, même si ce
n’est pas avec la même intensité, car nous sommes tous liés les uns aux
autres d’une manière ou d’une autre.
Le monde réel existe dans un nombre
infini de couleurs. Paradoxalement, lorsque les influences externes sont
ambiguës, ce monde est réduit aux apparences en noir et blanc. La «
réalité » d’aujourd’hui est de plus en plus façonnée par l’intelligence
artificielle et les algorithmes. Les nuances sont filtrées
instantanément, sans forcément solliciter notre consentement.
Plus que jamais, les signaux
contradictoires de toutes sortes ont tendance à nous distraire et à nous
submerger. Discerner si cette « réalité » est compatible avec nos
aspirations profondes est primordial pour susciter l’éveil. Le besoin de
recul et de vision cohérente n’a jamais été aussi déterminant, tout
comme une démarche moins universelle, mais plus plurielle et résolument
articulée autour de notre véritable ressenti.
Si ce sont la partisanerie et les
idéologies aveuglantes qui dictent nos orientations, il est très
probable que nous restions coincés dans une bulle. Un tel revers a
tendance à alimenter un repli, voire une affirmation identitaire des
recalés aussi bien que des initiés du « système ». Et le point de
bascule vers un résultat positif restera inimaginable sans un leadership
capable de mettre en œuvre des stratégies pertinentes qui incitent la
plupart d’entre nous à regarder systématiquement dans une même direction
salutaire et à agir ensemble en conséquence.
Pour les partisans du statu quo, les
binômes gauche-droite ou individuel-collectif demeurent des outils
d’instrumentalisation potentiels. Ne faisons donc pas de l’esprit
collaboratif un autre slogan maintenant.