Que ce soit intellectuellement, culturellement ou psychologiquement, le système éducatif traditionnel dispensé par l'Etat et le privé ne répond plus aux exigences de la mondialisation. C'est le cas à Maurice comme dans plusieurs autres pays, même les plus développés. Il y a eu certes des tentatives pour remettre en phase nos écoles et nos collèges, mais elles se sont échouées sur des ajustements superficiels et contradictoires. On serait même tenté de parler de décrochage, tellement le fossé s'est creusé.
Une transformation mal ficelée et mal agencée butera toujours sur une résistance, surtout si la structure de base a été rongée par plusieurs années de conflit entre conservateurs de différents bords. Il n'existe pas de modèle idéal. En revanche, il y a des programmes qui s'efforcent d'adapter leur pédagogie aux attentes de nos sociétés en mutation permanente. Ce sont les programmes du Baccalauréat International (IB), notamment le Programme primaire (PYP), le Programme de premier cycle secondaire (MYP) et le Programme du diplôme (DP).
Le siège social du IB se situe à Genève, en Suisse. Des chercheurs internationaux à l’université de Bath, au Royaume-Uni, déconstruisent l'évolution de la pédagogie aux quatre coins du monde (de la Scandinavie à l'Inde en passant par la Nouvelle Zélande) et formulent des recommandations régulières au Centre des programmes et de l’évaluation basé à Cardiff, toujours au Royaume-Uni.
Depuis son lancement en 1968, le IB a connu une progression constante. Si à l'origine le IB était destiné aux enfants des diplomates, des cadres et militaires expatriés, aujourd'hui la communauté du IB regroupe plus de 665 000 élèves et 2 424 établissements scolaires répartis dans 131 pays, avec une forte concentration en Australie, au Canada, au Royaume-Uni et aux Etats-Unis. La scolarité est financée par l’État (dans plus de 50% des cas) ou des fonds privés.
Sans la diversion occasionnée par la politique étrangère, Tony Blair, grand admirateur du IB, aurait très probablement converti la grande majorité des établissements britanniques. En effet, il est difficile de résister à la déclaration de mission du IB: "développer chez les jeunes la curiosité intellectuelle, les connaissances et la sensibilité nécessaires pour contribuer à bâtir un monde meilleur et plus paisible, dans un esprit d’entente mutuelle et de respect interculturel".
En mars dernier, la Voice of America titrait "Le IB prépare les étudiants américains pour la mondialisation". Contrairement aux idées reçues, le IB n'est pas conçu exclusivement pour les enfants les plus brillants, son approche très ludique est une incitation à "apprendre à apprendre". Bien entendu, la relative petite communauté du IB lui confère une certaine agilité, facilitant ainsi la mise en place des programmes.
Cependant, même si dans sa dimension abstraite le IB suscite un enthousiasme débordant, l'engagement des enseignants, des parents et de la direction y est plus déterminant que dans la méthode traditionnelle. Parce que l'enseignant agit beaucoup plus comme un guide que comme un émetteur de formules et rhétoriques à mémoriser et pondre sur un papier d'examen. De fait, l'apprenant IB est un chercheur. Les parents de ces élèves, même les plus avisés, sont tentés de comparer la méthodologie IB et la méthodologie traditionnelle. D'où l'importance de leur éclairer la voie avec d'autres repères palpables.
Actuellement, le IB n'est proposé que dans le privé à Maurice; deux établissements offrent le DP et un autre offre le PYP. Le MYP devrait logiquement être disponible à l'avenir. La majorité des établissements à travers le monde n'offre que le DP avec parfois un autre diplôme traditionnel en parallèle. Depuis quelques années il y a un engouement vers le programme complet du IB (PYP, MYP, DP) afin d'imprégner une cohérence une méthodologie qui est loin d'être conventionnelle, même si elle demeure très flexible et libérale. Ce qui sous-entend qu'on ne peut pas vraiment se référer à une école type IB.
Le IB épouse totalement la "glocalisation", un concept savant qui signifie agir localement pour se doter des aptitudes (empathie, cosmopolitisme, quête du savoir et de son application, intelligence critique, sens de la responsabilité, esprit d'initiative etc.) pour affronter les défis de la mondialisation. Pas étonnant que le développement d'une telle personnalité attire l'attention des universités, surtout américaines. Il faut aussi noter que l'université d'Oxford, par exemple, accepte la candidature de postulants IB à partir d'une note de 38 à 40 (incluant un mémoire et un engagement communautaire), la note maximale étant de 45.
Le gouvernement mauricien pourrait intégrer le IB dans un plan stratégique échelonné sur plusieurs années. Il est tout à fait envisageable de créer des établissements régionaux disons en 2012, le temps d'obtenir l'accréditation et de former les enseignants. On introduirait ainsi des enfants en pré-primaires et en premières années au PYP, lesquels poursuivraient ensuite leur scolarité MYP et DP. Simultanément, les étudiants ayant obtenu leur School Certificate auraient l'option de s'orienter vers le DP uniquement.
Même si le IB est bien rôdé il faut surtout veiller à ce que son implémentation se fasse en cherchant l'adhésion de toutes les parties (étudiants, enseignants, parents, direction, board etc.) et en évitant de mettre la charrue avant les boeufs. Ces conditions réunies, il n'y a aucune raison pour que le IB ne puisse pas conquérir un grand nombre de Mauriciens. N'empêche, il devra évoluer côte à côte avec le système traditionnel pendant encore très longtemps. Et c'est tant mieux, cela pourra rassurer et donner un choix aux parents réfractaires.
Néanmoins, le système traditionnel ne peut plus exister dans sa forme actuelle. Tous les enfants mauriciens doivent pouvoir débuter leur scolarité de la manière la plus équitable, les enseignants doivent être revalorisés et les programmes scolaires doivent être revus de fond en comble. Bref, le IB a suffisamment d'atouts pour agir comme source d'inspiration décisive. L'essentiel est de dégager une notion de l'excellence. La finalité est de ne pas enfermer les adultes de demain dans un ghetto culturel et intellectuel.