Wednesday, July 10, 2019

Alerte à Dodoland !


« Bizin bes pri manze ». En d'autres termes, nous souffrons de la vie chère. C'est ce qui ressort à vif des micros-trottoirs avant chaque présentation du Budget national. Dans ce contexte, l'éveil face à l'un des producteurs de nos « toxines » qu'est l'accaparement de nos ressources, déjà ultra limitées, ne peut atteindre que celles et ceux qui peuvent se permettre le luxe du discernement. Et aussi du détachement par rapport aux outils médiatiques de propagande et de diversion au service de l'entente politico-économique qui contrôle les leviers du pouvoir et abuse du territoire mauricien.

Si, en général, les médias sociaux répercutent bêtement les objets de diversion ou, dans les plus constructifs des cas, les symptômes de nos maux profonds, leur suivisme peut, en revanche, aussi véhiculer ce qui est plus apte à atteindre les sources même de ces maux. Hélas, pour parodier le tristement célèbre « moralite pa ranpli vant », la population, dans sa très grande majorité, survit en mode « reflesi pa ranpli vant ». Ceci pour suggérer que la voie vers le salut s'annonce longue.

Heureusement, des acteurs vaillants du changement se manifestent de plus en plus, dont Aret Kokin Nu Laplaz (AKNL) et Adish Maudho. Ce dernier a tout récemment tiré la sonnette d'alarme sur l'accaparement des terres pour le développement foncier et son impact sur la déforestation graduelle dont on constate déjà les séquelles néfastes par le biais de « la réduction de la fourniture de services écosystémiques sous différentes formes comprenant la détérioration de la sécurité alimentaire, la fertilité du sol, la capacité de séquestration du carbone, la production de bois, la recharge des nappes phréatiques, etc., incluant des coûts sociaux et économiques importants pour le pays ».

Ce qui est davantage perturbant ce sont les incitations fiscales des gouvernements successifs, non pas pour les Mauriciennes et les Mauriciens afin de les soulager du cout prohibitif d'un logement, mais destinées aux promoteurs de villas et d'appartements pour étrangers achetant avec une monnaie qui ridiculise la nôtre. Ainsi, la vie chère ne se limite pas seulement à l'alimentation. Ce mépris accentue l'inaccessibilité au logement avec un effet domino sur tout le système. En contrepartie, pendant que les plages, qui comptent parmi les loisirs préférés des locaux, rétrécissent, les betting houses se sont multipliées. La finalité est que le stress ne peut s'évacuer que par des canaux comptant parmi les plus malsains.

Qu'il s'agisse de l’inconscience, de l'incompétence, de la corruption ou des trois tares simultanément, nos « élites » et leurs facilitateurs attisent la frustration doucement, mais sûrement. Eventuellement, la colère peut se transformer en troubles sociaux avec des conséquences dramatiques. L'histoire et l'actualité à travers le monde l'attestent. Sous notre malaise, la xénophobie couve. Pourra-t-on alors se contenter de culpabiliser le peuple et railler les « populistes » qui exploitent la situation? Il est déjà très tard, le sursaut des esprits les plus éclairés parmi nous ne peut plus attendre.

Nous assistons ces derniers temps à un habituel jeu de blâme. Cette fois-ci il s'agit du fléchissement dans les arrivées des touristes. D'une part, nos dirigeants n'ont toujours pas intériorisé que le facteur expérientiel, c'est à dire l'immersion dans le paysage traditionnel, culturel et environnemental, est désormais déterminant dans la compétitivité de la destination Maurice. D'autre part, notre attrait principal est notre cosmopolitisme et notre « gentillesse légendaire », qui font partie de notre ADN.

Paradoxalement, en contribuant à fragiliser le tissu social, les politiques sordides sont en train de compromettre sérieusement nos éléments de différenciation par rapport à nos concurrents et parasiter la productivité nationale. Avec un vécu tissé dans des fibres multi-ethniques et pluri-religieuses, la contagion peut se révéler dévastatrice. Surtout avec une concentration hégémonique de titres de propriété, souvent acquis par coercition, par copinage et clientélisme; ou qui sont trompeusement chiffrés.

Le sucre, quoiqu’en « respiration artificielle » permanente, bénéficie depuis quelques années d’un cocktail de charbon et de béton pour flotter. Un cocktail qui exige la plus grande modération, car potentiellement explosif sous l’effet de l’overdose. La rupture avec notre modèle de développement ne peut plus être une nouvelle arnaque. Le fantasme d'un paradis pour cyniques et défiscalisés ne mènera-t-il pas à un cauchemar pour tous? Autrement, il serait souhaitable que AKNL se mue en Aret Kokin Nu Later pour cibler notre dérive systémique et que d'autres mouvements citoyens leur emboitent le pas.

4 comments:

  1. Excellente reflexion, Samad.

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  2. So very insightful as usual.

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  3. La population est déformée à la source par le cursus éducatif. Alors..l'anormal est son 'normal'. Normal, non ?

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  4. Très ou trop tard? Si la xénophobie est, hélas!, déjà là et ‘palpable', la classe politique en est le coupable no 1. Ce qui couve, c’est la sourde révolte due à la méfiance, pour ne pas dire la haine, qui s’installe et s’approfondit entre les ‘communautés’ et cela aussi est, en grande partie, l’oeuvre de la classe politique.

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