Saturday, September 28, 2024

Unchained Melody

The scene that prompts slave hunter Madame La Victoire to chase the Maroons, the fugitive slaves, is sparked by the cries of a baby unsettled while being breastfed. These heartbreaking images of a mother on the run with her baby capture the essence of the movie: there is a limit to how much agony a human being can take before spiritedly seeking refuge and reparation. All this is masterfully staged in the dark forest with striking realism. When, in a dream, slave Massamba, Mati’s father, brutally kills the slave owner, few viewers would remain unmoved. Director Simon Moutaïrou deserves praise for avoiding the easy path of depicting violence for violence’s sake. He succeeds in conveying his motivation to raise awareness without resorting to an overkill. Sobriety conveys intense and lasting emotions more effectively.

Madame La Victoire’s moral supremacism is a trap we can all fall into. When we live in a “tribe” with no bridges with the outside world, we only nurture affinities with our fellow human beings based on country of origin, ethnicity, religion, social class and gender. As a result, we tend to lose hindsight, discernment and even empathy with the Other, making our own values sacred and cursing those of others. And if the elites aren’t very enlightened, they’ll plot the status quo for as long as possible. In a plural society, social links grow defiant when the sense of entitlement trickles down. On the other hand, the “rebellious” son expresses some truth about the fact that younger generations, equipped with new bearings, are often more prone to be more open-minded.

Ni chaînes ni maîtres is not a masterpiece, but it is a laudable attempt to offer us some riveting time. Jumping off the cliff to die as the climax of the ending, rather than enduring the slow death of the soul in captivity, brings a dignified relief. A deafening silence settled over the audience as the credits rolled as if to express liberation.  A deserving ovation followed. French audiences, and many Mauritians, will clearly be more shaken by the movie’s perspective, which breaks with historical taboos. As for other viewers, the perspective may be “trivialised” by countless narratives about the ambivalent legacy of other colonisers.

Wednesday, September 25, 2024

Ni empathie, ni justice

La scène qui déclenche la course-poursuite de Madame La Victoire, la chasseuse d'esclaves, contre les marrons est provoquée par les pleurs d'un bébé contrarié dans sa tétée. Ces images bouleversantes de cette maman en fuite avec son bébé captent l'essence du film: il y a une limite à la douleur qu'un être humain peut supporter avant de chercher énergiquement refuge et réparation. Le tout est magistralement mis en scène dans la forêt sombre avec un réalisme saisissant. Lorsque, dans un rêve, l'esclave Massamba, le père de Mati, tue brutalement l'esclavagiste, peu de spectateurs resteraient insensibles. Le réalisateur Simon Moutaïrou mérite d'être salué pour avoir évité la facilité d'illustrer la violence pour la violence. Il parvient à transmettre son souhait d'éveiller les consciences sans recourir à la surenchère, l'énergie subtile canalisant plus intensément les émotions profondes.

 Le suprémacisme moral de Madame La Victoire est un piège dans lequel nous pouvons tous tomber. Lorsque nous vivons dans une « tribu » sans passerelles avec le monde extérieur, nous n'alimentons que des affinités avec nos semblables selon notamment le pays d'origine, l'ethnicité, la religion, la classe sociale et le genre. Ainsi, en perdant le recul, la jugeote et même notre humanité nous avons tendance à sacraliser nos valeurs et maudire celles des autres. Et si en plus les élites ne sont pas très éclairées, elles veilleront à ce que le statu quo perdure. Dans une société plurielle, les liens sociaux se tordent lorsque le sentiment d'avoir un droit supérieur se répand. Par ailleurs, le fils « rebelle » exprime une certaine vérité sur le fait que souvent les jeunes générations, dotées de nouveaux repères, sont plus aptes à élargir leurs visions et à faire preuve d'une plus grande ouverture d'esprit.

Ni chaînes ni maîtres n'est pas un chef-d'œuvre, c'est une tentative louable de nous offrir des moments lumineux. Se jeter de la falaise pour mourrir comme point culminant de la fin du film plutôt que de subir la mort lente de l'âme en captivité apporte un soulagement dans la dignité. Un silence assourdissant s'est installé dans l'assistance alors que le générique de fin défilait comme pour exprimer une libération. Un applaudissement mérité a suivi. Le public français et même une partie du public mauricien seront manifestement plus secoués par cette perspective qui brise les tabous historiques. La perspective des autres étant « banalisée »  par d'innombrables récits sur d'autres colonisateurs.