A feeling of helplessness seems to be gripping Mauritius. To the alert observer, it has been like an accident waiting to happen. Barring self-serving politicians or self-absorbed oligarchs, today's systemic inadequacies are too in-your-face to go unnoticed. The need for enlightened leadership beyond partisan lines has never been more pressing. Without rising awareness and scrutiny among citizens and netizens, things can easily spin out of control.
New regulations through technological solutions, through public education and through the introduction of market mechanisms can potentially relieve the rampant distress. Breaking out of the spiral of mistrust is very urgent. Some priority measures have been identified. Others, such as decriminalisation of cannabis and abortion, despite being critical, but requiring wider and engaging consultation, have been omitted. Proponents of "2ème république" (laudable but quixotic) and "Duty free island" (absurd in a world of low tariffs) will be disappointed.
The list does not claim to be comprehensive. It is understood though that efforts must be synchronised and that there is no quick fix. Hundreds of policies are needed. Change is a never-ending process. All in all, it is about the triumph of substance over hype. Here's how netizens reacted.
Poll Results:
Allow Private Television
24 (75%)
Crack Down on Cartelistic and Discriminatory Behaviour
31 (96%)
Devise Nationwide Railway Network
29 (90%)
Dump Rupee Depreciation Bias
29 (90%)
Enact Freedom of Information Act
25 (78%)
Regulate Electoral Funding
26 (81%)
Reinstate Tax Breaks in Individual Income Tax and Introduce Wealth Tax
23 (71%)
Remove Incentives for Corruption from the System
28 (87%)
Reverse Decline of English Language (Global Lingua Franca)
26 (81%)
Seek Contribution of New York Cops for Crime Prevention and Detection
26 (81%)
Sex Up and Broaden School Curriculum
30 (93%)
Subsidise Small Independent Power Producers (SIPPs)
23 (71%)
Supply Water Non Stop
30 (93%)
Transform Mauritius Islands into a Slow Destination
L’hégémonie occidentale s’est tellement infiltrée dans notre quotidien que nous avons tendance à occulter la contribution historique des autres civilisations à l’édification de la modernité. La (re)floraison de la Chine, par exemple, dénote le caractère “cyclique” de l’humanité, contrairement au postulat “fin de l’histoire” énoncé par le penseur néo-conservateur Francis Fukuyama en 1989.
Avec la création de la République populaire de Chine en 1949, sous l’impulsion de Mao Zedong, le pays a vécu un développement mitigé avant de toucher le fond. Ce n’est qu’à partir de 1977, quand la bande de Den Xiao-ping oriente le pays vers l’économie de marché, que l’espoir renaît. Etant donné l’imprégnation du maoïsme, sa révision ne peut s’inscrire que dans une logique de long terme.
Petit à petit, l’économie chinoise se libère de la propriété collective au profit de la propriété privée. Les réformes entamées pour rendre l’environnement pro-marché récoltent maintenant les dividendes : le flux des investissements étrangers et, dans leur sillage, le transfert de savoir-faire, n’arrêtent pas de croître.
Auparavant ringardisé, le label “Made in China” est aujourd’hui omniprésent. Si l’Inde est en passe de se métamorphoser en laboratoire technologique du marché mondial, la Chine s’affiche déjà comme son usine de biens de grande consommation – fabriqués sous licence ou contrefaits – tels l’habillement, les jouets, les équipements sportifs et les produits électroniques. Le tout, de surcroît, offert avec un excellent rapport qualité-prix.
D’une façon ou d’une autre, tous les autres pays sont chamboulés par cette nouvelle donne, même s’ils n’adoptent pas tous les mêmes attitudes à son encontre. Les tigres asiatiques contemplent l’expansion de leurs marchés dans un partenariat avec le dragon chinois : d’abord à travers la consommation chinoise et ensuite à travers un cluster en tant que fournisseurs de produits à faible valeur ajoutée destinés à être transformés et réexportés. Bref, c’est tout un bloc qui se constitue.
Au sein des pays développés, la réaction est plutôt ambivalente. Même s’il est vrai qu’une partie de la production chinoise est toujours subventionnée par l’Etat, est-ce que certains pays occidentaux – qui font de même dans le domaine de l’agriculture où ils privent les pays africains d’un marché potentiel – sont crédibles lorsqu’ils évoquent le dumping? Parallèlement, les nouveaux riches chinois représentent une clientèle friande de produits de luxe européens.
Des nombreuses voix, occidentales surtout, s’élèvent pour réclamer une “réévaluation” du renminbi (l’autre nom du yuan, littéralement “monnaie du peuple”). Celui-ci, indexé au dollar américain de 1994 à 2005 – ce qui signifie que, par rapport aux autres monnaies, le renminbi fluctuait au même rythme que le dollar américain –, bénéficie actuellement du fléchissement de ce dernier. Alors qu’au préalable lorsque le dollar, et par induction donc le renminbi aussi, étaient plus vaillants, personne ne rouspétait. Depuis, par rapport au même dollar, le renminbi s'est apprécié de 25%.
L' éditorialiste de Time, Fareed Zakaria, résume lucidement l'imbroglio: China bashing is "at best pointless posturing and at worst dangerous demagoguery. Chinese companies make many goods for less than 25% of what they would cost to manufacture in the U.S. Making those goods 20% more expensive won't make American factories competitive. The most likely outcome is that it would help other low-wage economies. The best and most effective response to it is not threats and tariffs but deep, structural reforms and major new investments to make the U.S. economy dynamic and its workers competitive."
Les autres pays émergents, Maurice notamment, se contenteront des “miettes”. Ces “miettes”, néanmoins, il va falloir aller les chercher car il y aura de moins en moins d’accords préférentiels pour les garantir. Il n’est pas question seulement de positionnement sur le marché ou de “fine-tuning”, le modèle mauricien de développement lui-même doit être revisité.
Dans un monde de plus en plus intégré, l’odyssée chinoise démontre l’importance de l’ouverture sur l’extérieur et de la stabilité monétaire dans la vitalité d’une économie. Si nous envisageons enfin de réconcilier la vision avec l’action, nous serons alors en harmonie avec la profession taoïste du yin et du yang, cette philosophie d’équilibre qui inspire l’ethos chinois depuis plusieurs siècles.
A nos “policymakers” d’inaugurer la voie jamais empruntée jusqu’à présent : le micromanagement. C’est-à-dire, l’amélioration de notre compétitivité en passant par une stratégie ciblant l’ajustement de l’environnement général afin que tout le monde soit efficient sans le soutien d’une monnaie de singe, mais avec celle “du peuple”.
Here we go again, our advocates of reverse affirmative action are exposing their exchange rate fetish. The following is an excerpt from The Economist to debunk the ongoing deception:
"In setting its interest rates, the Federal Reserve worries about growth and inflation. It does not concern itself unduly with the dollar. Policymakers in emerging economies, by contrast, cannot afford that luxury. In countries prone to high inflation, a stable exchange rate helps to anchor prices. Such economies have also usually borrowed in dollars or euros, because their creditors insist on being repaid in hard currency. A precipitous fall in the currency can make these debts insupportable. For these reasons, emerging economies must often raise interest rates in the teeth of a slowdown in an effort to defend their currencies. Rich countries can afford to treat their currencies with benign neglect. Emerging economies cannot".
A country's competitiveness is indeed not a zero-sum game. That is, it does not rest on policies dictated by the whims of fat cats whose wish is to have the cake and eat it. Real competitiveness is the legacy of an environment conducive to productivity gains everywhere. Truly, persistent rupee depreciation acts as the single most pervasive disincentive in the creation of the required synergy. The more so when the manufacturing process has a high import content.
In addition to more competition in the financial sector, the key to slashing domestic borrowing costs, so that they compare favourably with our foreign competitors, is to convince market participants that the rupee is volatility-proof. Interest rate differential is essentially a reflection of risk premium. By the way, is there any good Samaritan to enlighten navel gazers to the fact that, say, euro's behaviour on international markets is not Mauritius-grown?
A downturn is inherent to economic and business cycles. It should be an additional incentive to dump exotic and delusional thinking. The relevance of the response is all that matters and it tests the mettle of leaders in all walks of life.
"In no other country is the elite so willing to let fine phrases overrule hard thinking, to reject the lessons of experience in favour of delusions of grandeur, and to blame it all on someone else" Paul Krugman
En affublant ainsi le coq gaulois, l'économiste incisif ne s'imaginait manifestement pas qu'un tigre, celui de l'océan Indien, pouvait aussi faire preuve de nombrilisme et de suffisance. Avec une exposition quasi-hégémonique aux médias franco-français, l'infiltration insidieuse de ce syndrome parmi nous est-elle si surprenante ?
Si le constat de bon sens est dépressif, il montre en tout cas que le déclin de la politique, au sens noble du terme, est un problème fondamental. Il serait néanmoins malveillant de l'attribuer au seul gouvernement actuel. Le messianisme promettant officiellement le bien-être pour tous, mais qui cible dans les faits "ceux qui comptent", est un leurre qui a fini par être mis au jour.
Ce mépris a engendré une crise identitaire et un repli communautaire au point d'ethniciser même les Chambres de commerce. Au lieu d'être servi par un leadership qui éclaire simultanément avec des qualités comme la sagesse, la fermeté, la vision et la diligence, nous avons été dirigés, depuis notre indépendance, par des capitaines respectifs qui les incarnent isolément, hélas parmi d'innombrables tares.
Pour évacuer le sentiment d'incompétence et de peur du changement par rapport à une réalité hostile, le recours aux échappatoires fait partie du mécanisme de défense de l'humain. Le discours narcissique, par exemple, est une tentative qui aspire à transformer une période "faste" du passé en mythe, censé générer une fierté.
Or, un développement qui se veut durable requiert une approche critique et globale, capable d'identifier les blocages et de les surmonter. Le taux de croissance économique n'est pas en soi un critère de progrès. En le disséquant, nous constatons qu'il a été drivé par des accords préférentiels, par une roupie inflationniste et, dernièrement, par une bulle immobilière et des dépenses publiques. Paradoxalement, une telle croissance nous a sclérosés. N'en déplaise aux bien-pensants, éblouis par l'artifice, notre développement a été d'ordre infrastructurel et surtout polarisé.
Ce qui compte véritablement c'est le "trickle down" de la richesse nationale, pas celui de l'autisme en face de la mondialisation. Il est bien naïf de croire que le "feel good factor" éphémère déclenché par un événement populaire ou un regain de croissance dans certains pays développés sont suffisants pour nous sortir de notre désenchantement. Notre avenir se construit, d'abord, chez nous. En toute humilité.
Dans les années 1970, Edouard Lim Fat avait suggéré de transformer Maurice en une île duty free.
Si nos gouvernements successifs avaient souscrit à cette vision tout en profitant d’une part, des préférences commerciales pour pallier le déficit de notre situation géostratégique en terme de dynamisme et d’autre part, du boycott international des produits sud-africains sous le régime de l‘apartheid, nous serions aujourd’hui probablement en train de négocier, à l’image de Singapour, des accords de libre-échange avec d’autres partenaires aux quatre coins du monde au lieu de quémander davantage de compensation.
La petite taille de leurs marchés intérieurs ne favorisant pas suffisamment d'économie d'échelle – cette notion relative ne doit toutefois pas être un prétexte pour masquer les inefficiences et crier au dumping face à la concurrence internationale – les cités-Etats doivent impérativement s’ouvrir davantage que les autres sur le monde extérieur pour assurer leur expansion économique. Cela s’est vérifié pendant la Renaissance avec Florence et Venise. Aujourd’hui Dubayy, Hong Kong et Singapour le démontrent. Djibouti se positionne. Maurice ne peut y échapper.
Toute logique d’ouverture additionnelle comporte aussi des risques de dérives additionnels. D’où l’imminence d’un Etat qui optimise l’usage de tous ses rôles. D’abord en tant que régulateur pour assurer une stabilité institutionnelle raisonnable surtout au niveau parlementaire (pour garantir une permanence de l’Etat), légal (propice à une rule of law forte), fiscal (la politique de taxation et la gestion efficace de l’argent des contribuables), monétaire (la Banque centrale) et des garde-fous (la Commission de la concurrence) pour contrer les défaillances inévitables du marché.
Ensuite en tant que facilitateur pour l’aménagement des infrastructures de développement et des mécanismes d’encadrement. Finalement, n’en déplaise aux tenants de la privatisation tous azimuts, en tant qu'acteur (en joint-venture avec des véritables leaders mondiaux quand il le faut) non seulement dans des domaines comme la santé et l’éducation où le secteur privé ne s’aventure pas assez mais aussi dans d’autres segments qui nécessitent des moyens financiers colossaux. La finalité étant d'offrir des prestations «world class» sans évidemment dilapider les fonds publics.
Sans l’intervention de Temasek Holdings, le bras d’investissement de son gouvernement, Singapour n’aurait pu permettre l'émergence des services aéroportuaires et portuaires d’un si haut niveau. Idem pour d’autres services comme les télécommunications, les lignes aériennes, les laboratoires de recherche etc. Dubayy aussi emprunte cette voie. Ceci n’est pas une apologie du dirigisme mais un bémol par rapport à ceux qui, comme l'avait souligné John Kenneth Galbraith, «make their graduate days last a lifetime» et qui sont incapables d’appliquer leur connaissance et leur savoir selon les conjonctures et les contextes.
Pourtant, lors d’une visite il y a plus d’une quinzaine d’années chez nous, Lee Kuan Yew a bien insisté sur le fait que Singapour n’ait aucun modèle à exporter auprès d’une audience impressionnable et avide de formule TINA (There Is No Alternative). Manifestement, le message n’est pas passé si on se réfère à la secte qui s’est formée depuis autour de quelques technocrates messianiques. L'ouverture et la démocratisation économique sont des objectifs gratifiants. Encore faut-il se donner les moyens pour que l'élaboration du programme ne s'apparente pas à une expérimentation motivée par le mimétisme et la médiocrité.
Effets pervers Quelques initiatives, aussi louables et pertinentes qu'elles puissent être en théorie, ne constituent pas une stratégie. Sans faire preuve de la «lateral thinking» chère à Edward de Bono – c'est à dire la faculté de déconstruire un système pour détecter ses liens intrinsèques et ensuite de développer des solutions créatives pour connecter ces même liens dans un mouvement fluide avec le moins d'obstacles visibles et invisibles possible – nous ne faisons que délocaliser les goulots d'étranglement. Changer de schéma de développement exige aussi que nous nous débarrassions du «syndrome de Palma Road». Vous devez sûrement avoir maudit ces fameux ralentisseurs.
Nous sommes dans une crise systémique et nous ne pouvons plus nous contenter de fonctionner dans l'urgence avec une approche parcellaire sans aller à la source de nos manquements. Face à un monde en mutation permanente où la précarité crée de plus en plus d'angoisse chez les citoyens, l'Etat doit non seulement être un réformateur permanent, il doit aussi avoir suffisamment de charisme pour être coercitif quand il le faut et exprimer de l'empathie pour accompagner la transition.
Comment peut-on envisager davantage d'ouverture économique et de fusionner nos secteurs onshore et offshore pour devenir un centre financier international sans une convergence macroéconomique avec les pays «développés»? Les monnaies de Dubayy et de Hong Kong sont indexées au dollar américain. Alors que la roupie mauricienne n’arrête pas de dégringoler face au dollar américain – elle a perdu plus de 90% de sa valeur en trente années – le dollar singapourien est devenu une monnaie internationale – il a gagné entre-temps 40% avant de se stabiliser.
Il ne suffirait pas de construire des shopping malls (ce qui ravirait certes les promoteurs fonciers) pour que Maurice devienne une plateforme de shopping. En sus des visiteurs, les paradis du shopping puisent une bonne partie de leur clientèle localement. Or, avec un pouvoir d’achat rongé inlassablement par la dépréciation de la roupie, très peu de Mauriciens peuvent prétendre intégrer cette masse critique primordiale à la rentabilité des enseignes internationales comme Ikea ou Zara. N'évoquons même pas Jimmy Choo ou Prada.
Idem pour d’autres plateformes comme celles de la santé et de l’éducation. Dans le domaine des loisirs ou de la culture, où Maurice est un désert, Singapour attire des artistes tels le Cirque du soleil ou Shakira. Il n’y a que les «caddiemétristes», conditionnés par des statistiques schizophrènes surtout lorsqu’elles sont calculées en roupies dévaluées, qui ne mesurent pas encore le degré d’appauvrissement de la population mauricienne.
Mis à part la minorité qui se gave d’achat ostentatoire, la grande majorité est empêtrée dans un piège de l’endettement qui ne laisse que des miettes comme revenu disponible. Dans ces conditions, modifier les modalités qui compensent à peine l’érosion du pouvoir d’achat relève de l’indécence. Aussi longtemps que le gouvernement ne s'arme pas de l’audace requise pour mettre un terme à la politique délibérée de dépréciation de la roupie, nous poursuivrons nos activités sur la «route de la servitude». Le signal doit être sans appel.
Nous avons un immense fossé à combler au niveau de notre productivité. Maurice dans sa globalité doit pouvoir offrir des biens et des services «value for money», qu’il s’agisse du fret, du loyer, ou de l’alimentation. Toute notre structure doit être allégée. Il faut réduire drastiquement le coût de la vie des résidents et le coût d’exploitation des entreprises. Notre compétitivité dépend de notre prédisposition à l’innovation. Le fait que de plus en plus de Mauriciens soient réfractaires aux mathématiques et à la langue anglaise, lingua franca de la transmission des idées dans le «village global», n’arrange pas les choses.
Leadership éclairé Selon John Rose, le patron de Rolls-Royce, les Singapouriens «spend all day thinking about how they can be smarter and attract more people as they have no natural resources other than their people». Effectivement, ils sont à la recherche de l'excellence (ce qui sous-entend qu'ils ne s'extasient pas lorsqu'ils surclassent les burundais ou les fidjiens par exemple dans des indices internationaux) dans tout ce qu'ils entreprennent. Rien n'est laissé au hasard. Les dirigeants savent créer les conditions pour permettre à un maximum de personnes de s'investir pleinement et de ne pas sombrer dans l'indifférence et se limiter à une pensée à court terme, dans la recherche de leur intérêt immédiat.
Les Singapouriens ont le sentiment d’évoluer dans un environnement prévisible. Singapour prévoit une croissance économique d'environ 15% et les employés anticipent une augmentation de salaire. En revanche, d’après certains de nos «experts», Maurice doit tabler sur une croissance d'environ quatre points supérieurs au 4% escompté pour faire démarrer la machinerie et espérer absorber le chômage. Si 4% de croissance équivaut à zéro de croissance, cela démontre l’ampleur des distorsions dans notre économie.
Il n’est guère étonnant que pour s’adapter à la crise asiatique de 1997, les Singapouriens étaient disposés, dans un élan de responsabilité collective, à sacrifier une partie de leurs salaires avec la conviction qu’aussitôt les nuages dissipés ils retrouveraient leur même niveau de salaire. Contrairement au cynisme réciproque entre les Mauriciens et nos élites en général, une relation de confiance s’est forgée entre le peuple singapourien et leur gouvernement. Sans une synergie entre tous les partenaires, il est impossible de concevoir un pays performant.
La métamorphose de Singapour d’un pays du tiers monde en un pays de référence internationale dans plusieurs domaines porte le sceau du leadership iconoclaste de Lee Kuan Yew. Les théoriciens pourront déceler chez lui des concepts hybrides, du libéralisme politique (John Locke) à l'ordre morale et la discipline (Confucius) en passant par l’empirisme «trop de taxe tue la taxe» (ibn Khaldun). Il réconcilie le postulat de Adam Smith par rapport au rôle visionnaire et anticipateur de l'entrepreneur à celui de Karl Marx qui a rendu au travail sa plus-value.
Lee Kuan Yew ne considère pas la démocratie d'abord comme un système politique, mais avant tout comme un système intellectuel qui façonne par étape les us et coutumes de la société, lui attribuant ainsi une dimension sociologique et psychologique. Pour la mise en oeuvre de son projet, il s'allie à ceux qu'il identifie comme des agents de changement tout en traquant les tentations corporatistes et ceux qui s'opposent à ses idées «par principe» (c'est à dire ceux qui conçoivent le monde à travers un prisme idéologique qui est souvent teinté d’eurocentrisme). Sans l’intelligence du contexte, ses détracteurs ne pourront jamais jauger la pertinence de sa méthode.
Pour sortir de notre «cocon», il nous faut un leadership hands on puisant dans du savoir pluridisciplinaire, du flair et de la sagesse. Seule une révolution de l'ethos mauricien peut inspirer un changement de paradigme pour passer du «bland leading bland» au cercle vertueux. Au lieu de privilégier la superficialité et de contribuer au «dumbing down», commercialité oblige, les mass média ont aussi un rôle crucial à incarner dans cette quête.
"We are entering an age of complexity, diversity and collaboration in which skills like holistic thinking and critical analysis will be essential" Noreena Hertz, globalisation thinker
What is the goal of an education system? Should we agree that basically it is about grooming well-rounded citizens who can think critically, then our schools would have roughly lived up to the criteria. That is until the tipping point somewhere in the late 1970s or early 1980s when globalisation kick-started a worldwide cut-throat competition to grab market shares.
Since then, our brawns have been under tremendous strain, while simultaneously, our brains have not been blessed with the adequate training to cope with the fresh challenges and seize the emerging opportunities. Merely echoing "world-class education" or "knowledge hub" endlessly will certainly not allow us to measure up. As if the whole world is chilling out watching us staging a sham named "Drool over how smart Mauritius is".
A touchy issue like education calls for an approach that is savvy. Without an intuitive understanding of systemic lapses, without elaborating a strategy with all stages spelled out, without engaging all stakeholders, barring the media darlings who ironically are rarely the least pampered and influential, every reform proposal will remain an act of self-deception and wish fulfilment and will eventually backlash.
Too many children have already been left behind. The social timebomb has been ticking louder and louder. Yet we played a deaf ear. Now we cannot afford to turn a blind eye on widespread social ills, to a large extent the pitfalls of that self-indulgence. The system is disproportionately skewed towards the mightily-networked. It is no wonder that the capability-deprived gets so mentally oppressed. In that context, the false consciousness to cheer the alienated up through revenue generated by her own bets in the Gambling Industry is insane.
The truth is that a synergy to address the root causes of disenchantment - namely endemic discrimination, gaping social inequalities and ever-declining purchasing power - is critical to upgrading our human capital. More centrally, our education system needs to be overhauled. Latest technologies have significantly modified the psyche of the new generations. The approach to learning must be sexed up to accommodate them.
Learning by memorisation is unavoidable but its share must be gradually scaled down to focus more on interactive play. This means that students learn more through inquiry and research. The Reform group, a United Kingdom-based think tank, warns that "exam-obsessed modules have created a "learn and forget culture" - which is akin to using a sat-nav rather than map-reading skills".
If properly implemented, experiential learning can reap many benefits:
it makes learning fun and that is not a negligible asset when we know that boys, especially, lag behind because they tend to get bored by too much emphasis on formal learning;
it has the potential to unleash education's ultimate objective: self-development through self- and life-long learning;
it creates a critical bent of mind and integrates learning as the transdisciplinary path urges students to explore the complexities of the world.
Education reform is hotly debated worldwide. However few countries are being bold and innovative enough. Among other suggestions, Mauritius is contemplating International Baccalaureate (IB)'s Diploma Programme (DP) as an alternative to the obsolete Higher School Certificate. That is laudable. IB is arguably among the best tested comprehensive methods so far. The caveat is that most students will struggle to adjust to IB's core skill requirements because IB is based on a creative mindset compared to what traditional education actually feeds on.
That creative mindset can only be acquired through a curriculum conducive to the development of the required cognitive skills right from the start of schooling. Contrary to what is generally assumed, IB is not limited to DP, it also steers Primary Years Programme (PYP) and Middle Years Programme (MYP). It is no coincidence that, as it braces itself to imprint its spirit onto globalisation, India has vowed to "detraumatise and internationalise learning" by modelling its education system on IB.
As it shifts to experiential learning, Singapore is introducing Kidz Haven in pre-primary schools to ease up the transition. Likewise, an increasing number of schools around the world are embracing Montessori's ethos. Academic skills must go hand-in-hand with social skills. Under mounting peer-to-peer desocialisation, namely, bullying is on the loose. To rein in unruly boys and mean girls, Canada has launched Roots of Empathy, a classroom program aiming at "building caring and peaceful civil societies through the development of empathy in children".
Lately, two educational issues have prompted a passionately contested tug of war. Some reactionaries even praise "private tuition", a misnomer for extended-school-hours-made-compulsory. Merely legislating against an ingrained practice, however absurd, is bound to backfire because it is very likely to be considered arbitrary. The entire environment needs to be reengineered. This is how Doha Academy, a private school, has managed to ban "private tuition" while still offering the much-dreaded Certificate of Primary Education, for instance, and thriving.
Next came Morisyen as teaching medium. Notwithstanding the relevance of the use of mother tongue, does the fact that English language has become a closed book to many undermine comprehension? If not, why then did the shortcoming not arise decades before? A language is not a communication tool only, it comes with the cultures it absorbs. English language (jointly with its hybrid offshoots such as Hinglish, Chinglish, Spanglish and Singlish), de facto global lingua franca, offers perspectives like no other language. By letting it sink, we have opened the doors to the primacy of another language that is importing parochialism instead.
To narrow the gap, the Mauritius Broadcasting Corporation must air infinitely more cartoons, movies and shows in English Language and/or English language subtitles. Watching celebrity chef Nigella, for example, as she feasts over a tiramisu in her native tongue is simply irresistible. Immersion is key. On another note, we must get rid of the ethnic segregation we internalise early at school where the study of Oriental languages merges with religious items. We must rather sit together to share values, religious or else, to develop respect for the Other.
We have yet to recognise and harness our unique and promising brand of cosmopolitanism. Celebrating our diversity in itself is already a source of invaluable creativity. National Geographic's tagline "Live Curious" must go viral. Not in terms of gossip-mongering though. But by allowing new ideas grow on us and contribute to improve our well-being. No education reform will be complete without the teaching profession regaining its sense of purpose to lure and reward the best and most dedicated brains.
We do not know what the future holds. What is sure is the world will be different. We can only keep our fingers crossed until a transformational leadership rescues us. But are we sufficiently alert to tell the misfit between, say, Bernard Henri-Levy (that intellectual charlatan hyped as a philosopher) and Martha Nussbaum (a humanist thinker who sees herself as a global citizen)?
A moins d'être imbu d'un penchant pour le masochisme, il serait rare le citoyen qui n'aspirerait pas à vivre dans une société qui, d'une part, éveille le sens de la responsabilité et de la collaboration et, d'autre part, brime l'instinct de la méfiance et de la confrontation. Ceci, bien évidemment, afin que l'intérêt général prime sur des affirmations trop cyniques pour être avouables. Quand l'émergence d'un réformateur devient une urgence palpable, nombreux sont ces imposteurs, arborant le costume du messie, qui se bousculent à l'approche des élections. Hélas, ce triste sort n'épargne que trop peu de pays.
S'il y a quelqu'un dans le paysage politique international d'aujourd'hui qui incarne le plus brillamment ce know-how c'est bien Nicholas Sarkozy, le président français. Un leurre qui n'a pas échappé à la vigilance de Pierre Cahuc et André Zylberberg, respectivement professeur d'économie à l'École polytechnique et directeur de recherches au Centre national de la recherche scientifique (CNRS). Leur décryptage, publié dans "Les réformes ratées du président Sarkozy", ne manque pas de pertinence par rapport à ce que Maurice subit.
Le réquisitoire n'est pas fondé sur un antagonisme primaire mais sur une analyse minutieuse des faits. Ils écrivent sans ambages:
"S'affichant comme un grand réformateur, Nicholas Sarkozy a jusqu'à présent davantage conforté que remis en cause les corporatismes. Il a conçu une méthode originale reposant sur deux principes : l'étouffement et la conciliation. En ouvrant constamment de nouveaux chantiers, Nicholas Sarkozy cherche à étouffer tous ses opposants réels ou supposés. Il maîtrise ainsi l'agenda des réformes tout en espérant saturer les capacités d'expertise et de résistance de ses adversaires. En revanche, lorsque les revendications catégorielles deviennent fortement médiatisées, il s'empresse de les satisfaire".
Certes, ce ne sont pas la débauche d'énergie et la clairvoyance des blocages et des enjeux qui font défaut au président hyperactif. Comment expliquer alors cette incapacité à répondre aux attentes et aux besoins réels des citoyens? Pierre Cahuc et André Zylberberg sont catégoriques, cela ne peut que découler d'un Parlement "sous influence". Plus précisément le poids des lobbies économiques qui dictent les politiques et réduisent la démocratie électorale à sa dimension la plus servile.
Pierre Cahuc et André Zylberberg ne manquent pas, à l'image d'autres esprits avisés, de dresser le parallèle entre cette propension à envoyer des signaux contradictoires avant de cafouiller et les mesures préconisées par la Banque mondiale dans les pays émergents qui se soldent presqu'invariablement par un échec. Car la "réussite des réformes repose sur la qualité des institutions du pays qui les met en oeuvre et non sur les moyens octroyés par la Banque mondiale".
Le changement demeurera un fantasme aussi longtemps que les gouvernements, les citoyens et les médias mainstream restent "sous influence". D'autant plus quand les joutes électorales sont tellement délégitimées qu'aucun parti en liste ne mérite de gagner. Finalement, il incombe aux citoyens de faire l'effort de distinguer entre la camelote et l'authentique. Qu'il s'agisse de leader, d'expertise ou de valeurs.
5th Pillar, a "Corruption Killer" seeking to "Encourage, Enable and Empower Every Citizen of India to Eliminate Corruption at All Levels of Society", has introduced a Zero Rupee Note. Citizens are expected to participate in this bid to curb endemic corruption at its roots by expressing their desolation through the note every time they are confronted with a bribe-prone situation. By modifying our attitudes, we step into the shoes of change agents in the process of reversing the depressing trend. Even if Mauritius cannot boast an icon of the stature of Mohandas Karamchand Gandhi, should we not follow suit? Not without sparing ourselves the figure of the dodo or any other misfit in any event!
What images would you associate Central America with? It would be rather unusual that endless jungle ambushes between narco-guerillas do not reel off. And how would you appreciate the findings of New Economics Foundation, a think-and-do tank, that the region also boasts a country with the happiest people in the world? Costa Rica, dubbed the Switzerland of Central America, does indeed top the "Happy Planet Index" which aggregates happiness, longevity and environmental impact. It is unfortunate that Mauritius is not among the 143 nations surveyed.
By contrast with its war-torn neighbours, Costa Rica dissolved its armed forces in 1949 and instead invested heavily in education. Not only have Costa Ricans become more conversant in English language - the global lingua franca -, their country is also a leading exporter in micro chips. In addition, the far-sighted leadership has converted its gorgeous lush environment into a competitive asset.
A carbon tax was introduced in 1997 and Miravelles geothermal power plant became operational in 1994. The Environmental Performance Index, compiled jointly by Yale and Columbia Universities, places Costa Rica at No. 5 in the world. Mauritius ranks 58th. Costa Rica is an eco-tourism pioneer which is now cashing in on its pristine beaches and national parks. The "greenest" country in the world is also a reputed medical hub.
Another aspect of Costa Rica's breakthrough that deserves kudos is how remarkably policies implemented have contributed to close the gender inequality gap which is a critical component in national empowerment, welfare and stability. World Economic Forum's gender gap index ranks Costa Rica at the 28th position, above 51st France for instance despite all its posturing, while Mauritius trails at No. 85. Currently, 40% of the members of Costa Rica's Legislative Assembly are women.
Costa Rica is not heaven on earth. Even if it has done relatively well in terms of containing poverty it urgently needs to curtail its gaping income inequality and reverse its inflationary economic expansion. Cross-country comparisons rarely do not trigger heated debates. However, Costa Rica's experience proves yet again that hallucination is the refuge of short-termist politicians while vision is the hallmark of truly great leaders.
"We’re not smart as a nation. We don’t learn from the past, and we don’t plan for the future. This is a society in deep, deep trouble and the fixes currently in the works are in no way adequate to the enormous challenges we’re facing.
What’s needed are big new innovative efforts to fashion an economy that creates jobs for all who want and need to work. Just getting us back in fits and starts over the next few years to where we were when downturn began should not be acceptable to anyone. We should be moving now to invest aggressively in a new, greener economy, with the development of alternative fuels, advanced transportation networks and the effort to restrain the poisoning of the planet. We should be developing an industrial policy that emphasizes the need to regain the manufacturing mojo, as tough as that might seem, and we need to rebuild our infrastructure.
The fault lies everywhere. The Government, the Opposition, the news media and the public are all to blame. Shared sacrifice is not part of anyone’s program. Politicians can’t seem to tell the difference between wasteful spending and investments in a more sustainable future. There is a constant din of empty yapping about everything. Voters are primed at the beginning of every new mandate for fundamental changes that would have altered the trajectory of life for the better. Politicians of all stripes, many of them catering to the nation’s moneyed interests, fouled that up to a fare-thee-well".
I swear few Dodolanders would not relate to this "uneasy feeling" expressed (in an edited version above) by New York Times' alert columnist, Bob Herbert. If the United States is feeling the pinch of global capitalism, I wonder for how long can we afford watching reality through tainted lenses.
Mauritius Times: Le ministre des Finances présente son second budget vendredi prochain. Il dit qu’il n’est pas magicien mais il a probablement une meilleure marge de manœuvre cette année-ci pour s’assurer que les classes démunies et moyennes ne vont pas de mal en pire. Qu’en pensez-vous ?
Samad Ramoly: Tout d’abord, je tiens à situer le contexte de l’action gouvernementale. Si on se fie à certaines voix catastrophistes, la concurrence internationale ne débarque chez nous qu'aujourd'hui et elle nous touche de manière plus brutale que d’autres pays. Bien qu’elle soit plus agressive maintenant, la tendance vers plus de libre-échange, donc moins de protectionnisme, était une évidence depuis longtemps. Sauf que nous nous sommes endormis, croyant, naïvement peut-être, que la générosité de nos “pays amis” est sans limite. Le plus grand drame est que nos gouvernements successifs n’ont pas su profiter du “feel-good factor” de notre “Roaring Eighties” pour déconstruire notre modèle de développement, identifier nos faiblesses ainsi que nos atouts et, plus concrètement, appliquer des mesures qui nous permettent de nous positionner par rapport à l’avenir. La tâche est beaucoup plus ardue maintenant que la crispation est quasiment généralisée.Le gouvernement actuel hérite certes d’une situation peu enviable. Mais s’il est au pouvoir, c’est bien pour apporter des solutions à nos problèmes. En tout cas, la recherche systématique du bouc émissaire est loin de démontrer les aptitudes requises. Je me sens moins interpellé par ce qu’un gouvernement dit que par ce qu’il fait. Pour revenir à votre question, je pense que si le gouvernement, car il s’agit du budget du gouvernement et non pas seulement celui du ministère des Finances, est suffisamment créatif, il saura jauger les enjeux et recentrer son approche – dans l’hypothèse qu’il ait fait son autocritique. Je trouve aussi réducteur de ramener l’action gouvernementale au seul discours du budget. Le pays a besoin d’un gouvernement qui réfléchit et agit sans arrêt dans l’intérêt général tout en accompagnant les plus vulnérables de notre société, pas les mieux lotis. Notre compétitivité dépend effectivement de notre capacité à réformer tous les secteurs sans distinction. Réformer ne peut être une action ponctuelle mais une démarche dynamique car le temps pendant lequel nous modifions quelque chose, la mondialisation impose d’autres contraintes ou crée d’autres opportunités.
* M. Sithanen a également affirmé qu’il allait se ridiculiser s’il ne maintenait pas le cap de la réforme enclenchée l’année dernière, et que de toutes façons il n’y a pas d’autres d’alternatives. Est-ce aussi votre avis?
-- Ce serait ridicule pour un gouvernement qui veut “réformer” mais qui n’entend pas “réformer” sa méthode et qui finalement aliène pratiquement tous les stakeholders. Aucune personne dotée d’un minimum de bon sens ne contestera le fait que, pour intégrer un environnement en mutation constante, il faut absolument se transformer pour s’adapter. Par contre, prétendre qu’il y a une seule alternative pour y arriver relèverait paradoxalement de la magie. La situation est bien entendu beaucoup plus complexe que cela. Une situation de crise exige un leadership éclairé. Or, que voyons-nous ? Quelques mesures qui suivent les recommandations conventionnelles et insipides du Fonds monétaire international. Il ne faut pas oublier que l’argent que cette institution nous prête appartient à des contribuables américains, européens, etc. Donc, elle doit s’assurer que le remboursement soit sécurisé. Cela dans une perspective de court à moyen terme, pas de long terme. Et quelle est la voie la plus expéditive? Taxer au maximum les contribuables des pays-clients de cette “Aid Industry” pour remplir les caisses de l’Etat bien sûr! Il ne serait pas exagéré de postuler que le gouvernement peut réduire drastiquement ses dépenses s’il s’attelle vraiment à allouer judicieusement nos ressources financières. Sans une discipline fiscale rigoureuse, par rapport aux différents contrats d'approvisionnement ou de développement entre autres, le citoyen-contribuable et l’Etat-Providence seront les victimes expiatoires pendant longtemps encore.
* A quoi s’attend-on ? Qu’il dévie par rapport à la taxe sur les propriétés, la taxe sur les épargnes, la réduction des bénéfices aux petits planteurs et la taxe sur les grosses fortunes, bref ce qui a provoqué un profond malaise l’an dernier. N’est-ce pas ?
-- Je pense sincèrement que presque partout où le gouvernement intervient il y a une propension à mettre la charrue devant les boeufs. Est-ce parce que le vent du sanzman s'est transformé en vent de panique? Est-ce le reflet d’un manque de volonté ou de compétence? Je n’en sais rien. Ce qui est clair toutefois, c’est que le gouvernement est incapable d’introduire des mesures qui suscitent l’adhésion des stakeholders dans son ensemble. Pourquoi les gens résistent-ils autant alors que le gouvernement prétend agir dans leur intérêt? Aussi longtemps que le gouvernement ne se pose pas cette question, je ne vois pas comment nous avancerons. Il est fort probable que les Mauriciens perçoivent, à juste titre le plus souvent, que le gouvernement leur impose arbitrairement ses politiques. Ils semblent avoir intériorisé un mépris de la part de nos gouvernements successifs. Tout cela n'est pas irréversible mais je vous le répète : il y a l'urgence d'un leadership capable d'interpréter intuitivement le comportement des différents acteurs, de leur expliquer pourquoi il faut changer leurs mentalités, de leur montrer la destination où nous voulons aller, de leur exposer clairement, sans relâche comment nous y parviendrons et plus fondamentalement tracer la voie et créer le climat propice tout en donnant l'exemple. Bref, il faut manage le changement.
* Le ministre des Finances dous dit aussi que consolider les réformes (se préoccuper des problèmes économiques et structurels liés au déficit budgétaire et à la dette publique) prendrait au moins 5 à 6 ans ; entre temps une nouvelle configuration économique aurait émergé ! Comment y réagissez-vous ?
-- Je peux comprendre qu'il y ait beaucoup de blocages systémiques mais nous avons accusé trop de retard pour nous fixer un objectif aussi lointain. Là-dessus il n'y a pas d'autres alternatives; il faut prendre les taureaux par les cornes. Ce gouvernement est au pouvoir depuis deux années et je ne pense pas que le public en général est impressionné par la lutte qu’il aspire à livrer contre les largesses, le gaspillage et la corruption. La transparence doit être de mise mais la loi sur la “Freedom of Information” se fait toujours attendre. J'espère aussi que le gouvernement va promulguer une loi pour réglementer le financement privé des élections avant la fin de son mandat. Le Chili est cité en exemple pour sa législation “révolutionnaire” dans ce sens tout comme dans l'allocation des contrats publics. Ce serait aussi très important de passer par des appels de candidature pour n’importe quel poste “executive”. Ceux qui sont appelés à occuper ces postes ou ceux de “chairman” selon les régimes en place devraient démissionner dès que la date des élections est annoncée, quitte à retrouver les postes après.
* Les négociations Govt/MASPA concernant les terres sucrières et l’actionnariat dans l’industrie sucrière (impliquant les petits planteurs, laboureurs, artisans), sont censées ouvrir la voie à ‘a new economic partnership). Comment devrait être cette composante de distribution ou de parité pour atteindre les objectifs économiques à court ou long terme ?
-- L'ouverture de l'actionnariat et l'equity participation des employés et d'autres partenaires dans n'importe quelle entreprise sont des incitations essentielles à l'identification de toutes les parties dans un projet commun. Je vous avoue mon incapacité à vous proposer mon avis sur l'aspect plus technique. Mais je ne pense pas que ce soit vraiment démocratique que l’Etat choisisse de favoriser une compensation disproportionnée à un secteur par rapport à un autre. Les entrepreneurs et les employés d’autres secteurs en difficulté, sont-ils moins citoyens? Les ouvrières de la zone franche par exemple qui sont laissées à elles-mêmes après plusieurs années de dur labeur. Les gens ne protestent pas contre les discriminations subtiles qu’ils subissent au quotidien, mais ils finissent par exploser lorsqu’ils ne canalisent pas physiquement leur frustration.
* Ces négociations sont vues comme le fondement vers une modernisation de l’économie. Est-ce que le transfert des terres et la parité sont des conditions suffisantes et essentielles pour cette modernisation ?
-- Je ne suis par sûr que la base même de ces “négociations” soit la plus pertinente. Si nous voulons vraiment moderniser, il faudrait penser de manière plus globale. Notre superficie est trop limitée pour concevoir une stratégie autour du seul secteur sucrier, ou cannier peu importe. D'ailleurs notre économie est aujourd'hui nettement plus diversifiée qu'il y a une trentaine d'années. Il faudrait d'abord savoir où nous voulons aller et définir clairement nos aspirations. Bien ! en essayant de décoder, nous voulons créer une île intelligente qui s'articule autour du tourisme, de la technologie informatique, du service financier, d'un secteur manufacturier agro-alimentaire, de ressources marines ou autre etc. Notre stratégie future et l'aménagement de notre territoire devraient plutôt s'articuler autour de tous ces secteurs aussi bien qu'autour de nos futurs besoins d’infrastructures, sociaux et de loisirs. J'estime d'autre part qu'il aurait été plus efficace d'utiliser le fond européen d'accompagnement dans cette optique. Il est dommage que le projet laitier Creambell tombe à l’eau. Souhaitons que le projet puisse trouver un autre promoteur. Face à la concurrence internationale, nous n’avons pas d’autres options que de cibler les marchés niches. Cependant je n’arrive pas à comprendre pourquoi le gouvernement encourage la culture hydroponique alors que dans nos marchés potentiels le mouvement “Slow food” de Carlo Petrini se répand, suscitant ainsi une demande croissante pour les produits plus bio et moins aseptisés.
* Prévisions nécessaires ( en matière de politique gouvernementale), et dialogue indispensable (entre le gouvernement et le secteur privé), comme le souhaitaient les représentants de JEC ont été approuvés par le ministre Sithanen. Considéreriez-vous le gouvernement d’avoir été imprévisible ?
-- Il serait injuste d'attribuer le manque de prévisibilité dans l'action gouvernementale au gouvernement présent uniquement. Je suppose que ceci perdure par déficit d'anticipation et de vision pour orienter le pays. N'empêche que, dans le fond, le manque de prévisibilité affecte grandement notre compétitivité dans la mesure où il plombe la prime de risque d'une entreprise. Il exacerbe aussi la crise de confiance des particuliers. Ceux qui avaient souscrit à des placements financiers et immobiliers ou des polices d'assurance pour bénéficier des abattements fiscaux savent de quoi je parle. Pour ce qui est du “dialogue”, je pense aussi que le gouvernement doit maintenir une communication avec tous les stakeholders. En ce qu'il s'agit du dialogue que prône le JEC, j'ai du mal à le cerner. S'agit-il du genre de dialogue qui influence les policies pour satisfaire des intérêts spécifiques? Si c'est le cas, cela évoque plus le “crony capitalism”. C'est peut-être ce “dialogue” qui a isolé et refroidi Suzlon, leader mondial dans le domaine de l'énergie éolienne, qui était disposé à investir chez nous avec des capitaux propres sans quémander le moindre privilège mais au nom de l'entrepreneuriat. J'estime qu'il n'est pas trop tard, que le Premier ministre toujours utilise sa touche personnelle pour prier New Delhi de convaincre Suzlon à re-activer son implantation. Cela permettrait aussi d'encourager la concurrence, pour le plus grand bonheur des chantres de la “passivité” de l'Etat, n'est-ce pas, et pourquoi pas, rendre caducs les accords signés en catimini. Les ménages et les entreprises auront ainsi une possibilité de constater la véritable “vérité des prix”. Je me demande au nom de quelle logique, surtout en pleine mondialisation, devrons-nous nous culpabiliser lorsqu'une société étrangère mais plus citoyenne et performante conquiert une part du marché monopolisé par une société mauricienne, disons manifestement moins citoyenne et performante, pour rester politiquement correct. Je pense que le JEC serait plus sage de lancer une séance de brainstorming afin de méditer sur le lien entre sa “représentativité” et la multiplication des Chambres de commerce ethniques et les milliers d'entrepreneurs, petits, moyens, gros, locaux, étrangers, noirs, marrons, blancs ou jaunes qui s'affairent à fructifier leurs business sans tambour ni trompette en démarchant des clients niches localement et à l'extérieur.
* Quelques porte-paroles du secteur privé s’étaient plaints de démarche imprévisible de la part du gouvernement mais il semble bien que les initiatives du gouvernement soient stratégiques : requête pour des terres sucrières, ouvertures des groupes industriels sucriers aux planteurs et fonctionnaires et bientôt « Competition Bill « et « Equal Opportunities Bill ». Y voyez-vous un fil conducteur ici ?
-- J'entrevois un gouvernement qui se montre incohérent dans la formulation de ses politiques. Une telle approche le retranche dans une posture qui le pousse à être réactif. Si ses politiques étaient mieux ficelées et s'il était proactif, il aurait pu éviter d'être bêtement critiqué pour une “politique vengeresse”. Pour ce qui est de la “Competition Bill” et l'”Equal Opportunities Bill”, j'ai peur que, si elles sont appliquées de manière zélée dans l'espoir légitime de réguler les marchés afin de prévenir les déséquilibres qui pourraient dériver d’un “laisser-faire” excessif, elles risquent d'être contre-productives. Aussi ne suffit-il pas d'avoir des lois, encore faut-il avoir des personnes compétentes et intègres pour siéger au sein des commissions régulatrices. Il serait souhaitable d'avoir recours à l'expertise étrangère, des Canadiens par exemple qui ont le régulateur de la concurrence parmi les plus respectés, pour assister leurs collègues mauriciens. Par contre le gouvernement a raison de ne pas “dialoguer” avec les entrepreneurs sur la “Competition Bill”. Ce qui épargnerait certains secteurs d'être “exempted” comme c'était le cas avec la première copie sous le gouvernement précédent. Qu'un homme d'affaires peu scrupuleux tente d'amadouer des personnes du gouvernement pour détourner les policies en sa faveur est certes condamnable, mais ce qui est plus dramatique c'est lorsqu'il y parvient et que cela se banalise. Quand l'Etat ne joue plus son rôle d'arbitre, toutes les dérives sont possibles.
* Des experts suggèrent que la démocratisation de l’économie ne devrait pas être notre priorité en cette phase de transition économique, et que la concentration du pouvoir économique est partout prévalente. Votre opinion ?
-- A quoi sert-il de s’attarder sur des opinion spinners qui sont tellement immergés dans leur statut de groupies qu’ils ne se rendent même pas compte des énormités qu’ils débitent? Par contre je peux comprendre ceux qui ont du mal à suivre la rhétorique gouvernementale. Pour moi le gouvernement aurait dû s’inspirer du Remaking Singapore Committee (RSC) et du Economic Review Committee (ERC). Le RSC est chargée de stimuler une interaction entre le gouvernement, le monde des affaires et la société civile. Il consiste de plusieurs comités et sous-comités où siègent des personnes de différents horizons et plus essentiellement des représentants des ministères clés. Les différentes perspectives qui se confrontent permettent de faire remonter des informations du monde réel. Les suggestions sont ensuite intégrées aux recherches de l’ERC qui formule les stratégies économiques de Singapour. Ainsi la Commission de la démocratisation économique, l’Empowerment Committee et le NESC fusionneraient en une seule entité qui serait en liaison avec une policy unit composée de cerveaux capables de véritablement “think outside the box”. Sans un plan d’action et une synergie entre tous les stakeholders et tous les ministères je ne vois pas comment nous pourrons ré-inventer le pays. Nous ne pouvons pas continuer à nous comparer à des pays qui sont dans une plus mauvaise posture que nous. Au contraire nous devons nous frotter avec les meilleurs dans tous les domaines. L’excellence est la seule voie.
* Au fait, le temps n’est-il pas propice pour le gouvernement pour négocier un “new deal” avec le secteur privé, cela en vue de créer un secteur privé plus dynamique et ouvert à un plus grand nombre d’entrepreneurs?
-- Au lieu de débattre sur la justesse de la démocratisation économique, je pense qu’il serait plus approprié de promouvoir la liberté économique. Il faudrait d’abord veiller à ce que les entrepreneurs évoluent tous sur un level playing field avec des règles bien définies qui ne changent pas du jour au lendemain. Je pense que seulement ceux qui ne jurent que par des rentes de situation qui y verront un inconvénient. Comment peut-on “démocratiser” avec une croissance inflationniste? Il est réconfortant d’avoir enfin un gouverneur de la Banque centrale qui semble avoir compris que dans une économie ouverte la depreciation-bias est suicidaire et que la stability-bias, sans être une panacée, est une condition primordiale pour stimuler un cycle vertueux. Comment encourager l’innovation lorsque la propriété intellectuelle n’est pas bien protégée? Comment faciliter les opérations avec une bureaucratie aussi lourde et un marché des capitaux si peu aventureux? La concurrence est le meilleur moyen pour favoriser l’émergence d’un marché dynamique. Comme elle n’est jamais pure, il faut repérer les incentives et disincentives qui encouragent et découragent la compétition et l’ouverture. Prenons le cas d’un secteur porteur: le tourisme. Les spécialistes s’accordent sur un point, le package all-inclusive n’estpasune motivation pour le touriste pour dépenser en dehors de l’hôtel. Comment lui donner une incitation pour acheter son billet d’avion séparément de son bed & breakfast?S’il part de Paris par exemple, il se rendra compte qu’il n’y a pas une grande différence entre acheter son billet séparément de son package ou acheter le all-inclusive. Ce qui sous-entend qu’il y a un écart important entre le prix de gros et le prix audétail du billet d’avion. Depuis l’arrivée d’autres lignes sur le marché, avec des offres plus alléchantes, les hôteliers ont naturellement changé d’allégeance. Les résultats des groupes hôteliers et Air Mauritius parlent d’eux-mêmes. En réduisant l’écart entre le détail et le gros, Air Mauritius pourra davantage capter la clientèle grandissante qui “click and hop”, il peut aussi entraîner plus d’achats bed & breakfast. D’autre part, si les rumeurs qui circulent à l’effet que Emirates, qui ambitionne à devenir le numéro un mondial, serait intéressée pour acheter des actions au sein de Air Mauritius sont fondées, je pense que Air Mauritius doit saisir cette opportunité avant que son pouvoir de marchandage ne s’effrite trop. De telles alliances avec aussi, pourquoi pas, Cathay Pacific (Extrême-Orient) et Easy Jet (intra_Europe) augmenteront les possibilités de connexion en plus d’être une aubaine en termes de transfert de savoir-faire.
* Dans une récente interview, Rajiv Servansingh, ancien secrétaire général adjoint à la Chambre de Commerce, a formulé cette requête : la mise sur pied d’un « market for corporate control », c.a.d., des institutions régulatrices en vue de la transparence et des pratiques compétitives sur le marché, et que le gouvernement consolide sa capacité humaine et institutionnelle -- ceci pour créer une économie dynamique et compétitive. Pensez-vous que nous pouvons atteindre ces objectifs essentiels d’une autre manière ?
-- Je partage ce point de vue. La réussite d’un pays dépend de la capacité de ses dirigeants à satisfaire les exigences de ces trois axes: la confiance, la connexion et la récompense. Il suffit qu’un seul axe soit négligé pour que le système vacille. La confiance s'installe lorsque les institutions garantissent une rule of law suffisamment forte afin que les résidents soient convaincus que leurs droits sociaux et économiques sont bien sauvegardés. Cela concerne la police, le judiciaire, les instances régulatrices, le parlement, etc. Le rapport du NESC nous rafraîchira la mémoire bientôt. La connexion se réfère à l'accessibilté et la fluidité des différents réseaux qui permettent aux résidents de se connecter entre eux et avec l'extérieur, d'avoir accès aux services essentiels etc. Cela concerne l'aéroport, le port, les routes, les lignes téléphoniques, les moyens de transport, la fourniture d'eau et de l'électricité, l'éducation, etc. Dans ce domaine la demande a été larguée par l'offre au fil des années. Le gouvernement devra agir beaucoup plus vite pour combler ces inadéquations si nous ne voulons pas être complètement débordés par la mondialisation et l'arrivée de deux fois plus de touristes. La démotivation de nos ressources humaines est très inquiétante. Elle démontre entre autres que l'effort consenti n'est pas assez récompensé. Comme quoi vouloir la croissance économique à tout prix sans se soucier de la monopolisation des ressources peut nous mener dans une impasse ! Pour revenir à l'ouvrière de la zone franche, sans doute l'emblème du “mirage mauricien”, elle qui disposait pendant ses premières années d'un revenu disponible en tant que célibataire habitant chez ses parents se retrouve aujourd'hui mère de famille avec un revenu inlassablement grignoté par l'inflation importée. Pour corser sa dignité, parce qu'elle ne souhaite plus travailler dans de telles conditions, on la traite de tous les noms tout en la remplaçant par des ouvrières étrangères. Il faut espérer que le nouveau modèle de développement qu'on nous promet soit disons moins cruel. Selon Jack Welch, l'ancien patron de General Electric, dans tout système 70% des gens sont disposés à s'embarquer sur un projet, du moment qu'ils sont convaincus de son authenticité. 10% sont des agents du changement qui prennent l'initiative pour faire évoluer les choses. Les 20% restants font partie d'une force conservatrice qui milite pour le statu quo tout en se parant de l'uniforme du soldat car le système vicié sert leurs intérêts. Jack Welch recommande à tout leader éclairé de les identifier et de les chasser car ils finiront par corrompre tout le système. Les proportions peuvent certes varier selon les contextes mais la vigilance citoyenne doit rester de mise afin de diluer les énergies corporatistes et de s'assurer que nos gouvernements soient toujours lean, clean et green.
Lee Kuan Yew: "I work from first principles, what will get me there. Let the historians and Ph.D students work out their doctrines. I am not interested in theories per se."