Notre modèle de développement n’a pas été à la
hauteur des attentes de la grande majorité des Mauriciens pour insuffler le
dynamisme requis à cause, notamment :
1. Des institutions publiques et des chiens de garde peu fiables. En
revanche, il faut des dirigeants crédibles et une équipe engagée pour bâtir des
institutions qui inspirent confiance ;
2. De l’affaiblissement de la rule of law. Aussi longtemps que ; l’ensemble de nos lois ne sont pas régulièrement mis à jour et appliqué san get figir ; la culture de l'impunité s’enracine ;
l'exemplarité est ignoré ; la transparence et la redevabilité ne sont pas
exigées ; Maurice continuera à susciter la méfiance et le cynisme. La pire
chose qui puisse arriver à n'importe quelle nation, c'est l’intériorisation par
ses citoyens (et ses nouveaux migrants « défiscalisés ») de la justification morale (et cynique) pour faire fi de la loi ;
3. D’un système qui récompense à peine l’effort,
si ce n’est de manière fortement disproportionnée. Les plafonds de verre, la
lutte pour joindre les deux bouts et se permettre un habitat décent et
désenclavé ne sont pas propices à l'identification au Projet Maurice. Dans ces
conditions, ce serait un miracle si, entre autres ; transformer l'esprit zougader en évacuation de stress ;
le mépris que véhicule le bling bling des nouveaux riches ; l’affichage
des villas à des prix surréalistes ; ne démotivent pas, n’attisent pas les
maux sociaux et les problèmes de santé, ne déstabilisent pas les familles, ne
nuisent pas à la productivité du travail, n’alimentent pas la fuite des cerveaux,
etc ;
4. De l'assistanat des entreprises fatalement
anti-lean management par la
dépréciation délibérée et persistante de notre monnaie. À l'indépendance, il
fallait environ 13 roupies pour acheter une livre sterling. Aujourd'hui, nous
avons besoin d'environ 47 roupies. Nous ne pouvons que prier que la roupie ne
sombre pas encore au niveau 66 comme en 2007. Ensemble, le pouvoir d'achat en
baisse constante, les coûts d'emprunt élevés qui épuisent le revenu
disponible et alourdissent la trésorerie, la corruption endémique et le chômage structurel constituent une
distorsion systémique monstrueuse qui déclenche un cercle vicieux pour les
ménages aussi bien que les entreprises autrement performantes ;
5. Du tapis rouge pour l'accaparement des terres
et des plages. Non seulement les grands propriétaires fonciers ont bénéficié
d'un renchérissement phénoménal de leurs actifs, les étrangers aussi ont été
autorisés à acheter des propriétés. Parallèlement, cette manne a grippé toute
initiative à grande échelle visant à sauver notre souveraineté alimentaire en
plein désarroi. L'une des mesures phares et audacieuses pour désamorcer un
potentiel réveil brutal découlant du ressentiment populaire serait une réforme
agraire complète et avisée ;
6. De la disparition de la planification. Au lieu
de cela, l'élaboration des politiques a été sous-traitée à des technocrates
sans la moindre imagination et à des charlatans. Ce qui est primordial, c'est
une culture fondée sur l'expérimentation, l'apprentissage rapide et les
améliorations progressives ainsi qu'un mécanisme de carotte et de bâton qui
incite les gens à purger le système de ses inefficacités ;
7. Des infrastructures médiocres. Il y a eu
certes un réalignement superficiel de la connectivité interne et externe. Hélas dans l'ensemble la tentative n’a réussi à combler qu’une partie du décalage.
Sans toutefois rattraper la demande actuelle. En conséquence, anticiper la
demande future serait trop demander. Il suffit d'observer comment le « tigre »
tropical peut être tétanisé par un cyclone, des pluies torrentielles ou une
relative sécheresse, même si le synopsis ne correspond pas à la définition d'un
« black swan ». La mauvaise exécution, la maintenance inexistante et
l'insouciance dans la maitrise des coûts ont amplifié les inadéquations
systémiques. La vérité est que, mesurée à l'échelle mondiale, Maurice est
logistiquement à la traine ;
8. De la désactivation du mode créativité,
résolution de problèmes et esprit entrepreneurial dans le système éducatif. En
fabriquant des « troupeaux de moutons » et en célébrant leur avatar smart, la
surspécialisation, l'apprentissage par cœur et l'obsession de l'examen peuvent
réconforter les partisans du statu quo au sommet, n’empêche c’est un imbroglio
qui fige la formation d’un capital humain apte à faire face à l'assaut de
l'intelligence artificielle et survivre la concurrence mondiale féroce ;
9. De l’identité mauricienne perturbée. La
réticence à intégrer ouvertement notre lingua franca locale en est une illustration.
D’autre part, nous sommes devenus vulnérables au soft power étranger dont les séquelles sont incarnées de manière de
plus en plus hégémonique par des récits aliénants (et servant accessoirement de diversion aux problèmes criants). Surtout
depuis l'avènement de la « République » et des bouquets satellitaires. Alors
que nous aurions pu exploiter toutes les caractéristiques de notre ADN
cosmopolite pour construire une nation ancrée dans des énergies créatives
infinies. Ne rien faire à ce sujet est suicidaire ;
10. Lakorite entachée. En fait, c'est le point qui cristallise tout ce qui précède. C’est le baromètre qui résume les symptômes d’une décadence ou, à contrario, qui révèle le degré de notre bien/mal vivre ensemble. Lorsque certains observateurs affirment que Maurice «
moderne » a apprivoisé la bête du « communalisme » (lire le sectarisme), les
plus perspicaces ne peuvent qu’exprimer leur scepticisme. Le repli identitaire
est dangereusement rampant. Nos différences sont toujours instrumentalisées de
façon sordide pour soutenir le clientélisme politique.
On pourrait dire que nous avons assisté à une
amélioration de la qualité de vie si le matérialisme est le seul critère du
progrès. Peu importe le prix à payer et l’indifférence absolue par rapport à
la qualité, l’esthétisme et les normes. Il y a un besoin pressant de
délégitimer les agitateurs de la croissance de la cupidité, du ruissellement
vers le haut de la richesse nationale, du bat
bate, du tribalisme, des aberrations, de la recherche de rente
économique / sociale, des tendances ploutocratiques, des injustices, des
inégalités, etc.
L'économie de marché en soi n'est pas
le problème, elle le devient lorsque les politiques et l'environnement
socio-géopolitico-économique tendent à promouvoir un pôle attractif pour les
affaires douteuses et la cartellisation. La décroissance de tous ces parasites
doit être complétée par une forte croissance de leadership, de vision, de
recul, de solutions glocales, de synergie, d'innovation, d'écologie, d'équité,
d'empathie et de bien-être.
Un
changement effectif pourrait se matérialiser avec l'émergence d'un élan citoyen
conscient des enjeux qui renverserait le majakaro, le sophisme, le déni et le jeu de blâme des «squatters» qui
contrôlent les couloirs du pouvoir politique, économique et médiatique. Un pouvoir parfois fissuré pour des intérêts à
court terme, mais essentiellement solidaire dans « l’intérêt supérieur du
pays » !
Les négativités peuvent être aussi contagieuses qu'une impulsion bienveillante collective – ceci davantage dans un endroit relativement petit. Même si un revirement semble particulièrement rocambolesque, nous devons garder cela à l'esprit.
Les négativités peuvent être aussi contagieuses qu'une impulsion bienveillante collective – ceci davantage dans un endroit relativement petit. Même si un revirement semble particulièrement rocambolesque, nous devons garder cela à l'esprit.
Comprendre lucidement est la première étape avant de pouvoir envisager toute action. Sinon on se laisse entrainer par les discours dominants et mimétiques. Et de ceux- là il y en a trop à Maurice- des pseudo réformateurs qui donnent la main aux dominants. Changer les perspectives avec lesquels interpréter notre présent est primordiale. Ce n'est que comme cela que toute réforme future peut être envisagée-quand y aura assez de citoyens conscients de la réalité au- delà de l'image dominante là on pourra espérer une vraie réforme. D'où l'importance d'articles comme celui-ci qui articule une réalité que l'on vit tous avec colère mais pour laquelle on ne trouve pas toujours les mots.
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