Il y a
environ une décennie, certains des plus riches Allemands se sont publiquement
engagés à contribuer à une part plus équitable des impôts. En 2011, le
milliardaire américain Warren Buffet nous avait même avertis: "Arrêtez de dorloter les ultra-riches". En effet,
les crédits d'impôt, la comptabilité créative et les paradis fiscaux lui
permettent de payer un taux d'imposition inférieur à celui de
sa secrétaire. Le Britannique Jeremy Corbyn incarne sans doute la
tentative politique la plus crédible remettant en cause le statu quo dans
un pays relativement puissant. Le pape François agissant lui comme un des médiums
de conscientisation.
La
concentration de la richesse, généralement facilitée par des
réseaux corrompus, n'arrête pas de tourmenter les populations du monde
entier, même si à des degrés divers. La colère populaire n’est
malheureusement pas abordée partout de manière raisonnable. Le changement
nous est désormais imposé. Comment et quand cela se
produira-t-il concrètement? En tout cas, on n'est pas convaincu que le
message soit bien reçu au sommet du monde des affaires et de la politique à
Maurice. Il est temps de débusquer le bluff qu'ils souhaiteraient sans
doute promouvoir ad infinitum. Voici quelques composants clés:
Indépendance: ce que
nous vivons à Maurice ne fait pas exception dans un contexte postcolonial.
L’indépendance politique officielle vis-à-vis de nos colonisateurs nous a
conduis à une néo-alliance entre la nouvelle oligarchie politique et le « secteur
privé », qui est en soi un euphémisme pour « oligarchie sucrière ».
Le conte de fées de la démocratie électorale s’est révélé être
une ploutocratie sordidement conçue, où les ultra-riches de tous bords
dictent les politiques publiques pour un enrichissement supplémentaire.
Simultanément, France Inc. et India Inc. scrutent les marchés dans le
secteur de « l'aide au développement » tout en gardant China Inc.
sous observation. Tout cela avec le conseil de la Banque mondiale et de
leurs semblables.
Miracle: la phase
de développement associée à nos Quatre-vingts Glorieuses est essentiellement
infrastructurelle – la structure du pays étant laissée à elle-même. Cela s'est passé
sans souci de planification, sans vigilance des coûts et sans recherche de
l'excellence, normes minimales n’en parlons même pas. Pourquoi s'inquiéter
alors que nous pouvons toujours compter parmi les stars de l'Afrique. Pire
encore, l'écart entre l'offre et la
demande dans pratiquement tous les domaines a continué de croître.
D'où la pression toujours croissante sur le système.
« Nous
sommes mieux éduqués »: en effet, si nous parlons
d'accès relatif au diplôme académique. Mais c'est loin d'être entendu que nous
ayons hérité d'un capital humain mieux formé, plus compétent, digne de
confiance et plein d'entrain, qui soit pertinent aujourd’hui. Internet a certes
considérablement réduit l'asymétrie de l'information diffusée.
Nous devrions toutefois réfléchir à sa valeur compte tenu du fait qu’une
grande partie de l’audience est soit dépourvue de sens du discernement,
soit trop occupée à fuir une crise existentielle, ou les deux.
La faiblesse
de la roupie « forte »: s’attendre à ce qu'une
ponctuation salariale collective (à travers la dépréciation systématique
de la roupie) puisse accroître la productivité du travail tout en visant à
satisfaire l’obsession de la croissance du PIB, quels que soient les coûts
(y compris environnementaux), est un délire. Il n’est pas étonnant que la
trajectoire de la roupie mauricienne (en baisse d’environ 90% vis-à-vis du
dollar américain au cours des 40 dernières années) par rapport à celle du
dollar de Singapour (en hausse de 30% environ) témoigne également d’un parcours
drastiquement contrasté. Un sort qui pèse lourdement sur les coûts d’emprunt,
qui, d'une part, multiplie le nombre d'entreprises et de ménages qui s'engloutissent
dans le piège de l'endettement, et qui finit, d'autre part, par parasiter le
mental. Il convient de mettre en évidence que, pour atténuer les distorsions au
sein du marché local quand les fonds offshore s'y infiltrent,
pratiquement tous les paradis fiscaux arriment leurs monnaies solidement à une
devise de référence.
« La
république »? : il est rare que lorsqu'elle est prononcé en
français, « république » ne fasse pas allusion à « liberté,
égalité, fraternité ». Dans sa forme abstraite, elle
peut certainement aspirer à sa prétention « universelle ». Mais
en Norvège, par exemple, qui est une monarchie constitutionnelle, l’impression
de souveraineté citoyenne est bien mieux ressentie à la base qu’en France
ou à Maurice d'ailleurs. La moralité est que nous devons rester prudents
vis-à-vis des concepts fétichisés qui agissent en fait comme un écran de fumée
au profit d’initiatives vaseuses.
« Le
communalisme est dans nos gênes »: il y
certainement parmi nous quelques concitoyens qui vivent avec un état d'esprit
sectaire. Mais la plupart d'entre nous sont à l'aise avec les différences
culturelles. Projeter ses frustrations sur l'Autre découle rarement du libre
arbitre. Il serait plus pertinent de calmer l'ardeur des artisans de
l'instrumentalisation de ces différences et de déconstruire le repli
identitaire. Voter avec une impulsion sectaire est en effet loin d'être un
courant majoritaire. Les excuses foireuses pour ne pas remettre à jour le
recensement ethnique représente aussi cette propension à éviter pathétiquement
la complexité des situations et à aggraver nos problèmes.
« Mauricio
est trop coûteux pour nous »: il serait donc plus méritant
de tolérer les défaillances du marché, les pots-de-vin, les projets de prestige
(Harbour Bridge, Safe City – même si la sécurité publique est toujours
justifiée, etc.), les inefficiences systémiques? Un réseau ferroviaire
national ne doit pas être envisagé du point de vue de la faisabilité
financière. Il faut le rendre abordable aux utilisateurs pour atteindre le sens
social et économique qu’il justifie. Tant que la transparence et
l’impératif écologique priment. La vérité est qu’une grande partie de
l’argent public est soit détournée au moyen de contrats publics et des
corps parapublics, soit gaspillée, notamment par la duplication excessive
d’emplois et d'organismes publics, les pensions de retraite abusives
auto-attribuées. Un gouvernement allégé et un chien de garde de la concurrence qui
mord vraiment comptent parmi les facteurs essentiels contribuant à la réduction
des coûts liés aux activités commerciales/industrielles et à la gestion
d'un ménage.
« La réforme »
magique: à moins que l’on ne soit fatalement enfermé dans une chambre
d’écho ou que l'on souffre d'une paresse intellectuelle aiguë, qui d'autre bien
dans sa tête prétendrait que la «stratégie» mise en œuvre dans la période
2005-2010 avait une portée visionnaire qui nous a effectivement rendu
moins vulnérable et plus percutant? Paradoxalement, cette approche qui a animé
le prétendu miracle également caractérise le cercle vicieux créé par nos
décideurs. Des opérations de colmatage, bâclées de surcroît, ne répareront
jamais un système qui se désintègre à petit feu.
« Feelgood
factor »: de temps en temps, il y a des événements qui
rassemblent les citoyens et dope leur journée. Vous ne vous attendriez quand
même pas à ce qu'ils se vautrent en permanence dans un état maussade? Ces
sentiments de bien-être durent rarement assez longtemps pour faciliter le
déploiement de mesures douloureuses visant à réinventer le système. Nos
Quatre-vingts Glorieuses offraient justement cette opportunité qui hélas n'a pas
été exploitées. Un programme plus gratifiant pour tout gouvernement serait
plutôt de réfléchir à comment créer les conditions qui permettraient
aux citoyens de s'identifier de manière soutenue à la construction du
projet Maurice. Autrement, nous serions toujours témoins de comportements
plus civiques et sophistiqués, comme avant le « miracle », cela dit
sans idéalisation, que des agissements ostentatoires, religieux comme
matériels, ou autres qui alimentent une méfiance réciproque.
En fin de
compte, il ne s'agit pas, par exemple, de convertir le capitalisme hardcore,
taillé pour les (grands) actionnaires, en capitalisme citoyen. Une
idéologie ou une doctrine qui en chasse une autre a un bilan lamentable,
tel un slogan d'une publicité mensongère, pour lequel nous continuons de payer
chèrement. L'espoir renaîtra à travers
une intendance qui nous inspire avec des idées hybrides. Le capital social nourrit
la performance économique honorable. Prêcher dans l'autre sens est
absurde.
Top sa !
ReplyDeleteAt last someone putting this little thing in the proper perspective - public service becomes a service when it's affordable and practical for the many.
ReplyDeleteComments @ l'express:
ReplyDeleteby connspiracy
Spot on once more Samad. Capitalism is under attack unless it changes itself into a more humane capitalism. driving by cars and going to chassees while hotspots are mushrooming and brewing are not sustainable in tiny island mauritius. we can close our eyes and pretend problems dont exist until such time the problems which were miles away are in front of your doors.