Wednesday, November 9, 2016

Les ailes de AirAsia Africa

Les instances dirigeantes mauriciennes semblent avoir une tendance à se figer dans une culture d'occasions manquées. Plus enclines à compter désespérément sur la bienséance pourtant  insaisissable des «pays amis» pour soutenir notre expansion économique. Maintenant que l'atmosphère mondiale s'est bien assombrie et que la concurrence n'a jamais été aussi agressive, nous ne pouvons que prier pour l'avènement d'un leadership apte à couper les ailes des privilèges trop bien enracinés, le détournement des fonds et le batt-batte.

Si le corridor Asie-Afrique a été un délire, l'arrivée d'AirAsia pourrait s'avérer une opportunité réelle. AirAsia, plébiscitée internationalement dans sa catégorie, a déjà exprimé sa vision d'étendre son service à l'Afrique. Seul, Air Mauritius n'a pas les ressources pour sortir indemne de la concurrence impitoyable. Une grande compagnie aérienne comme Qantas a avalé son orgueil pour entrer dans un partenariat productif avec Emirates afin de surmonter ses années difficiles. Existe-t-il une objection valable à ce que Air Mauritius rejoigne AirAsia pour desservir l'Afrique et les îles de l'océan Indien?

Une démarche à compléter simultanément avec la suppression de toutes les taxes sur la destination locale Rodrigues. Et pourquoi pas sur La Réunion, Seychelles, Comores, Madagascar, Maldives et Mayotte aussi dans un élan de dynamiser le concept des îles Vanilles? Les retombées positives d'un désenclavement accentué de Maurice tout en offrant des sièges à des prix abordables sont évidentes. Aucun lobby requis ici.

Air Mauritius, comme beaucoup d'autres compagnies aériennes, exploiterait alors une deuxième compagnie aérienne, low cost et régionale, dans une joint venture tout en générant plus de revenu. AirAsia pourrait bénéficier d'incitations fiscales pour investir dans son hub grâce à un terminal low cost (l'ancien terminal de l'aéroport SSR?). Qui pourrait plus tard accueillir aussi d'autres concurrents.

Air Mauritius impose des prix haut de gamme. Pourtant, peu d'entre nous seraient d'accord pour dire que la prestation est haut de gamme. De toute évidence, Emirates a bien profité de l'opportunité de la destination Maurice, même si dans son cas la prestation est résolument haut de gamme. Actuellement, il opère avec l’A380 cinq vols quotidiens sur Bangkok à un tarif aller-retour jusqu'à 40% moins cher qu’un vol entre Londres et Maurice pour un temps de vol similaire en classe economique. La destination Bangkok étant farouchement concurrencée par Cathay Pacific, Singapore Airlines et Thai Airways.

Un  autre exemple qui explique comment la concurrence peut devenir une aubaine pour les voyageurs: le prochain vol de Qatar Airways sur Auckland. Le prix de lancement départ Londres (temps de vol d'environ 25 heures via Doha) correspond au prix Londres-Maurice (temps de vol environ 14 heures via Dubaï sur Emirates). Emirates ne peut pas utiliser l'excuse du taux de remplissage pour justifier les taux élevés pratiqués sur Maurice. Il ne manque pas de flamme pour négocier un troisième vol A380 quotidien.

Turkish Airlines n'a pas encore tempéré la fougue d'Emirates probablement parce que son image est entachée par l'instabilité politique en Turquie. Les prix pratiqués par Air Mauritius et d'autres compagnies aériennes sur la plupart des itinéraires européens, même pendant les promotions, semblent être alignés sans que les chiens de garde de la concurrence ne mordent. Paradoxalement, c'est l'un des facteurs qui contribue à conférer à Maurice l'image d'une destination relativement coûteuse. D'où l'ambiguïté du label haut de gamme revendiqué par le secteur de l'hospitalité.

Parallèlement à son éventuel actionnariat dans AirAsia Africa, Air Mauritius n'a d'autre choix que de se concentrer sur les moyennes et longues distances sur des destinations intelligemment ciblées et de rehausser son offre. Air Mauritius doit se réinventer en réorganisant de fond en comble son fonctionnement et en révisant la nomination de ses membres du conseil d'administration et la structure et choix de ses actionnaires. Pour aspirer au niveau de, disons Singapore Airlines, la chasse à un CEO de la trempe de Tim Clark d'Emirates doit être une des priorités. La norme Dodoland, même archi-louée, ne suffit pas.

David Ogilvy, le magnat légendaire de la publicité, a une fois exprimé l'opinion suivante: “j'ai rencontré de nombreux CEO à travers le monde, mais je peux compter combien de leaders parmi.” Air Mauritius peut se permettre un tel leader. En revanche, ce que nous ne pouvons pas nous permettre, c'est de se lamenter et de redouter les nombreux défis de la mondialisation à venir sans anticiper les opportunités. Pour transformer Air Mauritius, ce leader devrait systématiquement incarner la stratégie de changement, synergiser toutes les parties prenantes, exprimer ses compétences de "dégraisseur".

 Sans volonté politique, pas de changement. Dans le secteur du transport aérien, la sécurité ne peut être négociée, mais la souveraineté sur la propriété doit être partiellement cédée pour gagner en contrôle global. Dans l'ensemble, un acte d'équilibre façonné par la clairvoyance et la perspicacité. Internet et les Millenials continueront à imposer leurs empreintes. Les dépenses ostentatoires  concèderont de plus en plus de part de marché à la quête d'expériences mémorables. Par conséquent, nos outils marketing (où les consultants sont inutiles) doivent être entièrement rafraîchis.

Pour exploiter judicieusement le marché local et mondial du XXIe siècle, l'innovation, le fonctionnement allégé et le comportement éthique seront plus que jamais les principaux moteurs. La manière dont les trois composants fusionnent déterminera l'avantage concurrentiel. Et les offres low cost, sans forcément être la norme, compteront parmi les acteurs omniprésents. Les modèles de développement qui incitent à la rente n'ont jamais été durables de toute façon. Ils se nourrissent de la corruption, lien à l'origine de la plupart des catastrophes.

The Wings of AirAsia Africa

Mauritian governing bodies seem endlessly locked in a culture of missed opportunities. More prone to rely helplessly on the soft corner of the ever-elusive "pays amis" to sustain our economic expansion. Now that the global mood has turned gloomy and competition has never been more cut-throat, we can only pray for the advent of the desired captainship that will clip the wings of entrenched privileges, siphoning of funds and sloppiness.

As much as the Asia-Africa corridor has been a delusional "game-changing move", if smartly harnessed, the arrival of AirAsia could be the real deal. AirAsia, hailed internationally in its category it is worth noting, has already expressed its vision to extend its service to Africa. On its own, Air Mauritius does not have the clout to come through the ruthless skies unscathed.

A large airline such as Qantas let go of its hubris to enter into a productive partnership with Emirates to turn around its struggling years. Is there any valid objection to Air Mauritius joining wings with AirAsia to service Africa and the Indian Ocean islands? A move to be simultaneously complemented with the waiving of all taxes on domestic destination Rodrigues. And why not La Réunion, Seychelles, Comoros, Madagascar, Maldives and Mayotte too in a bid to ignite the Vanilla Islands concept?

The benefits of connecting Mauritius extensively while offering affordable seats are self-evident. No lobby or vested interests required here. Air Mauritius, like many other airlines, would then operate a second airline, a low-cost regional one, in a joint venture while potentially generating more revenue. AirAsia could be granted tax incentives to invest in its hub courtesy of a low-cost/regional terminal (the older terminal of SSR Airport?) that will later accommodate other competitors too. All in a spirit of market and customer friendliness.

Air Mauritius has been charging premium rates. Yet few would approve that delivery has been premium. Clearly Emirates has bandwagonned even if in its case delivery is resolutely premium. Currently, it operates five daily A380 flights on Bangkok, and economy return tickets from London for similar flight time than on Mauritius can fetch about 40% less. The Bangkok route being fiercely challenged by Cathay Pacific, Singapore Airlines and Thai Airways.

Another demonstration of how competition can become a boon: Qatar Airways' forthcoming flight to Auckland. The launching ticket price from London (flight time about 25 hours via Doha) matches the price from London to Mauritius (flight time about 14 hours via Dubai on Emirates). Emirates cannot use the passenger load factor excuse to justify the high rates for destination Mauritius. It is bullish enough to press for a third daily A380 flight.

Turkish Airlines has yet to dent the industriousness of Emirates probably because its image is tainted by political instability at home. Prices practiced by Air Mauritius and other airlines on most European routes, even when promotions are run, appear to be closely aligned without competition watchdogs biting. Ironically, this is one of the factors that contributes to confer Mauritius the status of a relatively expensive destination. Hence distorting the claim of (uniquely) premium quality attributed to the hospitality sector.

In parallel with its stakes in AirAsia Africa, Air Mauritius has no alternative but to focus on medium and long hauls on handpicked destinations and upgrade its offer. To stay relevant Air Mauritius must reinvent itself through namely a massive overhaul of operations and a revisited board member appointment and shareholder structure and activism. To match the aspirations of, say Singapore Airlines, a CEO of the wingspan of Emirates' Tim Clark must be headhunted globally. Dodoland standard, however celebrated, simply won't do.

Iconic advertising magnate David Ogilvy once opined something like: “I have met many CEOs around the world, but I can count how many leaders I have encountered. ” Air Mauritius, a critical contact arm of Mauritius with the world, can afford such a leader. What we cannot afford is lament and dread the many pitfalls of globalization still to come without anticipating the opportunities. To transform the ailing company, this leader needs to astutely, boldly and consistently radiate the strategy for change and to thrive, synergise all stakeholders, express her fat-cutting skills.

As in practically most situations nationwide, no political will, no change. In the airline industry, security cannot be negotiated but ownership sovereignty has to be partially relinquished to gain in effective overall control.  All in all, a balancing act shaped by foresight and acumen. Internet and millennials will continue to impose their footprints. Conspicuous consumption will increasingly yield to the quest for memorable experiences. Accordingly, our marketing intelligence (where consultants are the most ineffective) has to be comprehensively refreshed.

To fruitfully tap the 21st century local and global market, innovation, lean operations and ethical behaviour will be the key drivers more than ever. How savvily the three components blend will determine the competitive edge. And low-cost offers, without necessarily being the norm, will count among the ubiquitous vehicles. Development models that incentivise rent-seeking have never been sustainable anyway. They feed on the bond of most crashes  corruption.

Saturday, May 21, 2016

Parlement : L'insulte au kreol morisyen

C'est hallucinant. En même temps nous ne pouvons sous-estimer le fait que nous sortons à peine du colonialisme européen. Du moins officiellement.

Pour les uns, cela prêterait flanc à la vulgarité. Je me souviens d'un journal qui avait gommé le
« Mari » du titre d'un de mes articles. Alors que le « Mother Fucker », titre d'un spectacle d'une humoriste étrangère, ne dérangeait pas grand monde. Saluons la décision d'aller de l'avant avec la retransmission en direct à la télévision des séances parlementaires. Gageons que le pouvoir inhibitif qui vient avec permettrait d'atténuer les dérives langagières et de démontrer simultanément que le kreol morisyen n'a aucun monopole sur la vulgarité de forme. Car la vulgarité peut aussi être de fond.


Pour les autres, le kreol morisyen nous éloignerait du village global. Nous devons sans doute nous inquiéter du recul de l'anglais, lingua franca internationale incontestable, qui nous enferme dans une bulle culturelle. Mais le Parlement est censé agir comme plateforme de délibérations pour relayer nos attentes, nos inquiétudes et nos aspirations. Il doit s'exprimer dans une langue comprise par tous. Autrement, son rôle devient caduc. Ne confondons plus moyen et finalité. Comme pour l'utilisation du kreol morisyen en tant que médium d'enseignement complémentaire.

Pour revenir à notre modèle fétiche, Singapour aussi possède son
kreol, le singlish, qui est constitué d'une base d'anglais avec des emprunts au mandarin, tamil, malais, etc. Même si l'anglais demeure leur langue de l'enseignement et au Parlement, il est nettement plus à la portée de tous les Singapouriens. Un atout qui non seulement facilite leur intégration locale et globale mais aiguise aussi leur compétitivité générale.


La langue maternelle est un pivot dans la construction identitaire. Lorsqu'elle est dévalorisée, la voie vers un fort sens d'appartenance et une citoyenneté épanouie est entravée. Une langue véhicule ce qu'elle intègre dans le temps et l'espace. Quand, en plus, la langue internationale « valorisante » et « cannibalisante » n'est pas la
lingua franca globale, nous ne pouvons que regretter l'aliénation culturelle exacerbée dans son sillage.


La constitution d'une cellule d'études postcoloniales, que ce soit à l'université ou ailleurs, devient pressant pour comprendre notre passé, expliquer notre présent et appréhender notre futur. A Lindsey Collen, Nandini Bhauttoo-Dewnarain, Jimmy Harmon, Jooneed Jeerooburkhan, Jonathan Ravat, Vijaya Teelock et d'autres de réunir leurs compétences et prendre l'initiative.

Friday, May 20, 2016

Interview de Mauritius Times 2016

Mauritius Times

* Actualité oblige, j’aimerais d’abord avoir votre point de vue sur la révision du Double Tax Avoidance Agreement avec l’Inde, telle que consentie par le ministre Bhadain et approuvée par le Conseil des ministres ? Est-ce un gâchis ou on devait arriver là  tôt ou tard, donc inévitable ?

Les accords préférentiels ne sont jamais éternels. Dans ce cas, le sunset a toujours été une épée de Damoclés. Un gouvernement responsable aurait préparé la transition bien en avance. Or, nous assistons au même mélodrame que dans les secteurs sucre et textile où les baby walkers ont été, en plus, motorisé avec de l’ultra soft money. Quand on est dans une bulle, tout évènement extérieur est de type « Black Swan », humainement impossible à prévoir !

Lorsque Richard Arlove, CEO d’Abax, dit qu’il considère Maurice comme un centre financier plutôt qu’un centre offshore, je pense qu’il a tout cerné. Pour exprimer notre gratitude, il serait plus digne de remercier l’Inde de nous avoir offert des baby walkers pour canaliser leur investissement de l'étranger. Nous finirons bien par comprendre que la clé de la prospérité pour tous réside dans la vraie compétitivité que seules l'innovation et la productivité peuvent garantir.


Ceci dit, les « Panama Leaks » ne sont que le sommet de l'iceberg d'un monde qui tourne à l'envers. Dans une lettre ouverte, des leading économistes dont Ha-Joon Chang de l'université de Cambridge et le prix Nobel Angus Deaton mettent en garde les dirigeants du monde : les tax havens, incluant Delaware, Luxembourg et la Suisse, « serve no useful economic purpose and benefit rich at expense of poor ».

* Notre parcours depuis l'indépendance vous paraît-il plutôt glorieux ou
plutôt chaotique ?

En 1968, un dollar américain (US$) valait environ 5.55 roupies mauriciennes (MRU) et il fallait environ 3.05 dollars singapouriens (S$) pour se procurer US$1. Aujourd’hui US$1 vaut environ MRU35.50 et US$1 vaut environ S$1.38. Donc, grosso modo, le dollar singapourien a gagné 55% en pouvoir d’achat et la roupie mauricienne a perdu 83% de sa valeur.

Comme dans les deux cas la richesse nationale est principalement produite par le commerce avec l'extérieur, cet écart invraisemblable explique, même si partiellement, la différence irréconciliable entre nos parcours. Brandir le revenu per capita pour soutenir le contraire n'est pas convaincant car il ne capte pas la réalité du terrain. En revanche, mesuré en parité de pouvoir d’achat, qui est un outil utilisé par les économistes pour tenter de corriger les distorsions, il démontre combien le désir d’atteindre le seuil des pays à revenu élevé n’est qu’une chimère.

Maurice a été un underachiever. Nous avançons les yeux rivés sur le rétroviseur. Le fait de jubiler lorsque nous surpassons les autres pays africains signifie que nous nous contentons de briller dans une ligue de niveau inférieur. Cela dit avec empathie pour les peuples qui n'ont pas eu ou n'ont toujours pas les dirigeants qu'ils méritent.

Je dirai que nous avons opté pour un modèle de développement, disons plus spontané que réfléchi et planifié, qui glisse malheureusement vers le chaos. Il existe des signes qui ne trompent pas pour démontrer ce “miracle” à multiples vitesses. Un exemple parmi tant d'autres, le prix pratiqué par un contracteur ou prestataire, peu importe le domaine ou secteur, varie selon l'image du client, c'est à dire celui avec ou sans voiture, celui avec voiture de luxe et villa, l'expatrié mauricien ou autre (donc revenus en monnaies sonnantes et trébuchantes !), etc.

* Paul Jones affirme dans une interview de presse « je me suis toujours refusé à m’inscrire dans une logique qui consiste à chercher des raisons exogènes pour expliquer mon échec ou pour en faire les conditions de la réussite de notre société ». N’était-ce pas un résumé de ce qui a mal tourné à Maurice ?


Il décrit certainement ce qui constitue les fibres de l’entrepreneur : cette faculté à prendre des risques, d’anticiper les inévitables freins, de s’adapter au contexte en mutation permanente pour mettre en œuvre une vision. Evidemment sans chercher de bouc émissaire face à chaque inévitable contrainte. Soit le contraire du rentier qui œuvre à partir des marchés pré-verrouillés et des bénéfices sécurisés. Bien souvent sans faire grand cas des moyens pour parvenir à ses fins.

Si sa réplique cinglante répondait précisément à la requête aussi lassante que cynique d'affaiblir davantage la roupie, Paul Jones explique ultérieurement dans l'entrevue qu'une stratégie n'est gagnante que si elle s'articule autour du bien-être du capital humain. Le citoyen-employé est motivé que s'il est convaincu qu'il ne subit pas de discriminations et que ses efforts sont récompensés équitablement. Dans un pays où pratiquement tout ce qui est consommé est soit importé, soit a des intrants importés, la dévaluation d'une monnaie équivaut à un prélèvement sournois sur les rémunérations. C'est absurde d'exiger une hausse en productivité d'une personne qui ne s'identifie guère au projet.

Le drame c’est que de telles voix n’agissent pas comme interlocuteurs privilégiés du gouvernement. Ainsi, les policies des gouvernements successifs ne sont pas  propulsées par des énergies productives et innovatrices. Mais fatalement par la quête d’affirmative action à l'envers.

* Nous devons donc accueillir avec soulagement la déclaration d’Anerood Jugnauth à l’effet que « l’immobilier est un développement trop facile, pour en faire que des profits. Je ne le considère pas comme du développement réel » ?

Cet enivrement a occulté nos multiples défis tout en contribuant à asphyxier le système. Depuis, une bulle immobilière gonflée par la spéculation foncière, l’argent « offshorisé » et la roupie en chute libre sévit au point de rendre les terrains encore plus inaccessibles à la majorité des Mauriciens. Le signal émis est certes décisif, maintenant voyons comment tout cela va se traduire dans les faits.

Hélas ils n’étaient pas nombreux ceux qui, comme le perspicace Percy Mistry, à avoir tiré le signal d’alarme. Le vide a été vite comblé par les « experts ». L’un d’eux se chargeant de « prouver » que les bénéfices pour les développeurs de l’« Integrated ResidentialScheme » (IRS) n’allaient pas être disproportionnés mais, paradoxalement, il ne fallait surtout pas « tuer la poule aux œufs d’or » !

Je reste sceptique que Maurice du « miracle » soit devenu un magnet pour attirer les investisseurs les plus aptes à contribuer à un saut qualitatif. D’autre part, cette folie agit comme carburant pour exploiter les terres autrement que pour notre souveraineté alimentaire, déjà sérieusement déficitaire.


* Pour l'anthropologue Tijo Salverda, « l'évolution de Maurice se joue au niveau économique, qui conditionne tout ». Partagez-vous cet avis?


C'est même très pertinent. Dans ‘World on Fire: How Exporting Free Market Democracy Breeds Ethnic Hatred and Global Instability’, Amy Chua analyse comment une « market-dominant minority », à travers son accaparement du pouvoir politique, est source de crispation potentiellement explosive. Surtout quand les inégalités deviennent criantes. Arrêtons d'en faire une question strictement d'épiderme. L'autocensure et la langue de bois ne vont pas nous permettre d'exorciser nos démons.

Malgré son engagement remarquable contre la perversion de la démocratie à travers sa monétarisation, Ralph Nader le « greatest president America never had » contemporain, n'a connu qu'un plébiscite bien confidentiel. Aujourd'hui, avec le soutien en masse des nouvelles générations désenchantées, Bernie Sanders a au moins le mérite d'en avoir fait une préoccupation mainstream. Presque tous les soulèvements à travers le monde ont pour moteur d'indignation la relation incestueuse entre les gouvernements et le Big Business.

A Maurice, Ashok Subron est quasiment seul à en faire un combat. Quant à la voix de Lalit, elle reste isolée par rapport à l'exigence d'une réforme agraire que Jean-Marie Cavada aussi préconise, le recul aidant. Les « Smart Cities » et « Heritage City » sont-elles à ce point salvatrices pour ne pas susciter un ralliement citoyen allergique à toute forme de ploutocratie ? Allons-nous continuer de rebondir comme des crétins sur les diversions ?

* Peut-on alors parler de faillite de notre intelligentsia?

Si l'intelligentsia devrait avoir pour vocation de déconstruire la complexité de notre existence et d'essayer de proposer des possibles orientations dans l'intérêt général, alors nous vivons son antithèse. Ils ne sont pas nombreux à avoir préservé une distance critique face à toutes sortes de mythologies. Ne soyons pas surpris si les complaisants et les charlatans monopolisent la scène médiatique.

Les rares exceptions de vigilance citoyenne, s'exprimant le plus souvent sans corollaire doctrinal et partisan, qui me viennent à l'esprit étant la plupart des éditoriaux et articles d'opinion de Mauritius Times, Sanjay Jagatsingh, Richard Munisamy, Chetan Ramchurn, Aichah Soogree, Umar Timol ou encore Ploum Ploum sur les comment boards. Je suis convaincu qu'il existe beaucoup d'autres sur les réseaux sociaux, dans les salons privés ou amba-laboutik.

Bien que nous assistions à une lente érosion de l'omerta entre politiciens décrédibilisés, ces derniers se réjouissent toujours de la « culture de débat » qui débouche rarement sur autre chose qu'une polarisation et une bataille d'égos. Ils ont même intérêt à l'encourager car elle incarne le rôle de « divide and rule ». Lorsque Ivor Tan Yan, la relève de Jack Bizlall selon son propre aveu, déclare qu'il souhaite œuvrer au-delà du binôme gauche ou droite, je suis quelque part rassuré. Maintenant, pour ne pas basculer dans le nihilisme, il s'agit de transformer nos énergies de l'indignation en fresh thinking et actions concertées.

Les médias de masse ont du mal à se réinventer dans l'ère numérique. Beaucoup sont toujours prisonniers de la publicité et de l'immédiateté. New York Times comptant parmi les exceptions bonifiantes. Ce n'est pas en se frottant avec des Laurents Joffrins de ce monde que leur pertinence reviendra. Le marché a soif de journalisme d'investigation crédible. Les médias et réseaux sociaux peuvent agir comme agents du changement que s'ils ne comptent pas uniquement sur leur viralité pour exister.

Face au déferlement d'informations sur Internet, nous avons besoin de citoyens capables de discernement pour filtrer ces informations et développer des idées cohérentes pour contribuer à réinitialiser le Mauritius-building manifestement en panne.


* Mais les gouvernements successifs nous proposent souvent des réformes ?

C'est un ensemble de conditions qui fait que les policies passent ou cassent. La recherche de collaboration entre tous les stakeholders doit primer. Les policies doivent être homegrown mais en intégrant et adaptant des expériences éprouvées de par le monde. La dépendance systématique sur le consultant étranger traduit un manque de confiance qui disempower les compétences locales sans pour autant apporter de résultat souhaité. Pire, le plus souvent, c'est la consécration du « batt-batte » qui gangrène le système.

Prenons les exemples de Zara et Amazon, deux mastodontes du retailing international. La logistique est le fondement de leurs opérations. Pensez-vous qu'ils font appel à un cabinet de consultants, peu importe la notoriété, ou quelqu'un qui a préparé un PhD sur des systèmes de logistique ou un MBA sur la lean distribution de Toyota que tout le monde envie ? Zara et Amazon ont loué le service des responsables de la logistique de Toyota et les ont invités à collaborer avec leurs responsables pour identifier ensemble les faiblesses et optimiser leurs systèmes avec des paramètres « glocaux » .

Le même mindset anime la métamorphose de Singapour. Lee Kuan Yew a toujours été un admirateur de la quête de l'excellence du Japon et de la Suisse. Mais il n'a jamais voulu que Singapour devienne ni le Japon et ni la Suisse. Il a compris que pour que la mondialisation ne soit pas vécue comme un calvaire, le pays devrait s’imprégner de son propre narrative. Nous sommes tous uniques.

* Qu’est-ce qui vous vient à l’esprit en termes de/d’une mauvaise approche dans la résolution des problèmes qui nous affectent localement ?

Les accidents de la route : nous éprouvons toujours de mal à réduire le nombre de victimes de nos routes, et cela découle aussi, à mon avis, d’un problème de mindset. Si pour notre développement le taux de croissance est notre obsession, dans ce cas c'est la répression de la vitesse.

D’une part, les policiers ont tendance à ignorer d’autres délits comme la conduite en état d’ébriété ou le dépassement en zones dangereuses. D’autant plus que le nombre de contraventions collecté peut déterminer les promotions, les usagers apprennent vite à game le mécanisme de contrôle stéréotypé et policiers, chauffeurs et contrôleurs d’autobus entretiennent souvent une réciprocité malencontreuse.

D’autre part, que faisons-nous des infrastructures routières qui sont loin d’être aux normes requises, des driving schools dépassées ? Quand allons-nous verbaliser les jaywalkers et les cyclistes récalcitrants ? Et quand les fanas de vitesse pourraient satisfaire leur yen sur des circuits dédiés ? Le conseiller réunionnais tient un discours prometteur. Espérons qu’il surmontera les obstacles visibles et invisibles.

* Une réforme du mindset serait sans doute souhaitable, mais il parait qu’il serait easier said than done ?

Réforme n'est peut-être pas le terme que j'emploierais. Mais notre mindset est définitivement hors-jeu. Nombreux parmi ceux que le « miracle » a catapulté sur le devant de la scène politique, économique et médiatique me paraissent irrécupérables.


 
Nous sommes au cœur d'une nouvelle révolution industrielle, dynamisée par Internet, les réseaux sociaux et l'économie de partage. Aujourd'hui Uber, le plus grand opérateur de taxis, ne possède aucun taxi; Alibaba, le plus gros commerçant, ne dispose d'aucun stock de marchandises; et Airbnb, la plus vaste offre de logement aux vacanciers, ne possède aucun bâtiment. Nous persistons avec les mêmes outils à nos propres risques et périls. Surtout que les rating systems comme TripAdvisor sont aussi omniprésents qu'impitoyables. A l’avenir, pas seulement les politiciens et les business, les médecins, les avocats, et les enseignants aussi will be kept on their toes !

Dans un article d'anthologie, s'inspirant du poète Archilocus, le penseur Isaiah Berlin postule que le monde est dans l'ensemble façonné par le mode de pensée incarné soit par le Hérisson, soit par le Renard. Le Hérisson réduit le monde à des théories abstraites, qui peuvent propager les germes de l'autodestruction lorsqu’ils se cristallisent en idéologie, et procède avec une vision sans nuances et des principes figés dans le déni de la réalité.

En revanche, le Renard procède lui par étapes, rectifiant ses intuitions avec des informations renouvelées au fur et à mesure qu'il avance. De ce fait, le Renard a tendance à commettre moins d'erreurs de jugement. Un insight qui a grandement influencé les recherches de Daniel Kahneman, Malcom Gladwell et Philip Tetlock.

La ploutocratie internationale parle de « New Normal » et réalise soudainement que la croissance à tout prix est insoutenable. Le Fonds monétaire international et la Banque mondiale, deux pompiers pyromanes notoires, nous préviennent des méfaits des inégalités qui découlent en grande partie de leurs propres prescriptions. D'autant plus que, comme décrié par Joseph Stiglitz, les rares Renards recrutés, tels Raghuram Rajan et Mohamed el-Erian, n'y font presque jamais carrière. Avons-nous à ce point l'instinct masochiste pour continuer à nous soumettre à leurs « sagesses » ?

Depuis plus de trente ans le monde produit peu de Renards. Au contraire, selon William Deresiewicz, ancien professeur à l'université de Yale, même l’Ivy League produirait des moutons, sauf qu'ils soient en version smart ! Nous pâtissons d'une pénurie de policymakers ayant intériorisé la notion que tout est connecté. Pas étonnant que les CEOs les plus efficaces ont souvent une formation d'ingénieur. Les policies des différents ministères doivent êtres synchronisées. Autrement, Maurice va continuer de générer des bulles et des ghettos.

Le monde a bien produit de polymaths et des iconoclastes comme Steve Jobs, Pierre Legendre, Ashis Nandy, David Ogilvy, Nassim Taleb, Leonardo da Vinci, Lee Kuan Yew, etc. Dans ce même registre, Maurice gagnerait à produire des centaines de Amédée Darga, Khalil Elahee, Jean-Claude de l'Estrac, et d'autres moins connus du grand public tels Akash Gura Goredo, Farhad Khoyratty et Daden Vencatasawmy.

* Ce que le  gouvernement  propose pour le système éducatif ne répondent-ils pas à ces exigences ?

Le même mindset donnera le même résultat. Ce n'est toujours pas l'apprentissage qui prime mais la mémorisation pour réussir aux examens. Anthony Seldon, éducateur respecté en Angleterre, affirme que « c'est devenu drôlement facile d'obtenir trois A au A-level ». Car les écoles et les instituteurs instrumentalisent la finalité de l'examen en spéculant habilement sur les questions d’examen à venir et en gavant les élèves de past exam papers.

La majorité des Mauriciens seront surpris d'apprendre que souvent la majorité des ministres suisses n'ont pas d'équivalent du HSC. Cela ne signifie pas qu'ils n'ont aucune formation. Au contraire, la Suisse, l'un des pays les plus performants au monde, a dé-stigmatisé la formation professionnelle au niveau secondaire. La majorité des ressources humaines étant déjà préparées avec des méthodes pointues pour intégrer le monde du travail car bien de carrières ne requièrent pas des études longues et surtout coûteuses et inadaptées. Quitte à approfondir après pour ceux qui souhaiteraient.

Où en est-on avec le projet d'école d'Arts et Métiers et l’homologation des compétences des artisans et techniciens sans diplômes? En 2017, 27 écoles de Kent, en Angleterre, auront intégré le Career-related Programme de l’« International Baccalaureate ». Le but ultime de tout système d'éducation est de stimuler et d'aiguiser la faculté cognitive des apprenants. La formation doit être interdisciplinaire et le plus experiential possible pour répondre aux comportements des Digital Natives.

* Par ailleurs, quelles sont les leçons que nous pouvons tirer de la consécration de Leicester City en Premier League ?

Dans les années 1930, la ville se targuait du slogan de « Leicester clothes the world ». A partir des années 1980, elle subissait de plein fouet l'externalisation de la production aux pays aux salaires moins élevés. Pour corser la situation, TINA, le « There Is No Alternative » cher à Margaret Thatcher, sévissait. L'obsession de tirer l'expansion économique par le secteur des services, surtout financier, provoqua une désindustrialisation massive que le pays regrette amèrement aujourd'hui. Maurice doit prendre bonne note et rectifier le tir.

Ayant toutefois préservé ses fibres entrepreneuriales, Leicester retrouve sa lustre à partir des années 2010. A la même époque, le milliardaire Vichai Srivaddhanaprabha prend les rênes du club de football. La chance veut que ce soit un entrepreneur qui mise sur le long terme. Au lieu de recruter à grand frais des stars, il investit dans l'infrastructure, la formation et déniche des talents cachés. Le coach Claudio Ranieri y injecta avec énormément de maîtrise le sens tactique du football italien et le team spirit qui donne des ailes. Ensemble ils ont su, avec grande humilité, galvaniser leur équipe en insufflant something to look forward to. Renards, l'alias de Leicester City, est loin d'être une imposture.

Mauritius has got talent mais ceci a été outrageusement dilapidé. En réalité, nous avons créé les conditions pour brimer ces talents. Nous ne capitalisons pas sur nos forces.Que faisons-nous de l’Air Quality Index qui consacre la qualité de l'air mauricien ? Que faisons-nous de la corniche de Baie du Cap, l'une des 10 plus belles routes du monde selon Petit Futé ? Plus lamentablement, laisserons-nous notre cosmopolitisme au pouvoir créatif sans égal sombrer davantage dans une schizophrénie identitaire ?

* Comment accueillez-vous le crackdown sur les marchands « ambulants » ?


Je n'ai jamais compris pourquoi il fallait un jugement de la cour pour que la rule of law soit en vigueur avec zéro tolérance. J'ai été témoin récemment d'une descente des policiers et des inspecteurs municipaux. Ils se sentaient tellement valorisés qu'ils exécutaient ce qui devrait constituer leur routine avec sérieux et même fierté. C'était réconfortant tellement nous avons été amené à les percevoir comme des agents insignifiants. Pourvu que ça dure !

Ce sont les humains qui font et défont les institutions. Elles peuvent fonctionner comme il faut lorsque le signal émanant de la tête du pays est ferme, cohérent et impartial. Autrement, certains peuvent l'interpréter comme une justification morale pour ne pas observer la rule of law. Si les autorités avaient sévi contre les premiers marchands « ambulants », il n'y en aurait pas une masse à vouloir leur emboîter le pas et en faire une source de revenu ou même de gagne-pain. Un marché se désintègre sans clients. Faisons-nous preuve de civisme et de citoyenneté lorsque nous contribuons à la demande en achetant leurs produits ?

La majorité d'entre eux n'ont que la prise de risque comme qualité pré-requise pour l'entrepreneuriat. Ils sont très peu à démontrer un sens de l'innovation. Pire, ils étalent en toute impunité beaucoup de produits contrefaits. Par contre, convenablement formés, ils pourraient optimiser leur esprit d'initiative dans des entreprises qui ont bien de mal à distinguer cette qualité sur le marché du travail. Gertrude Perrine est une bouffée d'air frais qui défie l'âge en plus. Elle utilise Facebook comme vitrine de Zolizil pour vendre des accessoires et des vêtements de sa propre création.

Sinon, pour corriger la faillite du marché immobilier qui fait flamber les loyers, le gouvernement peut aussi offrir, d'une part, des emplacements avec des loyers réalistes et, d'autre part, une incitation fiscale pour le commerce, toutefois bien réglementé, à travers les Food Trucks innovants qui vendraient autres choses que les mêmes « kebabs » et les vans de tilartiks, Made in Moris autant que possible, pour faire revivre l'artisanat qui transmet le caractère de n'importe quel pays. Il serait aussi tout à fait envisageable de décréter piétonnes certaines artères, disons, les samedis après-midi, les dimanches et les jours fériés, hors horaires d’ouverture des commerces non-« ambulants ».

* Diriez-vous qu’il y a un divorce entre les citoyens, la réalité locale et internationale, et nos dirigeants ?


Les mesures du bonheur réel n'ont jamais évolué. En revanche, nous inventons des mesures qui créent l'illusion du bonheur. La surconsommation a été notre drogue. Si le monde « développé » s’en désintoxique doucement et la frugalité devient graduellement la norme, ailleurs l'ostentation continue d'agir comme élixir du bonheur. Souvent le civisme, disons d'un propriétaire de voiture, est proportionnel au prix d'achat de la voiture ! Ce qui signifie  que nous devons modifier nos habitudes, mais aussi nos attentes et nos offres par rapport à nos principaux marchés. Nous sommes à la fin d'un cycle.

Hélas nos dirigeants persistent dans leur nombrilisme. Par exemple, ils sont pathétiques lorsqu'ils justifient l'échec de leurs incantations vers la « modernité » par l'incapacité des citoyens, souvent « trop assistés, pas assez sérieux », à les suivre. Alors que personne n'ignore qui sont les incompétents et les fat cats. Le « miracle » nous a anesthésiés. Il ne nous reste que notre sens de trassman pour surmonter les inadéquations rampantes.


Prenons la connectivité interne et externe. Au niveau externe, l'ouverture, même tardive, de l'espace aérien désenclave graduellement le pays. Espérons que l'arrivée annoncée d’AirAsia va contribuer à l'affordability de la destination en attendant que que le watchdog de la concurrence décide de mordre. Pour être compétitive, l’activité portuaire doit augmenter sensiblement le volume de transbordement.

Paradoxalement, l'ouverture aux « bus individuels » a été une aussi mauvaise décision que le démantèlement de la majeure partie du chemin de fer existant. Si le transport public suisse et japonais sont si enviables, ce n'est pas seulement par rapport au confort du service et l'étendu du réseau  mais aussi l'affordability du système. Nous sommes déphasés sur les trois critères. Nous sommes condamnés à investir dans un réseau ferroviaire, même largement subventionné. Pas uniquement l’axe Port Louis-Curepipe mais pour de desservir tout le pays. Le transport public actuel accentue notre faible productivité. Comment ?

D'une part, restrictif en termes d’horaires d'opération, coûteux pour les entreprises et les ménages, réduisant la mobilité des employés et la possibilité de recruter au-delà des régions avoisinantes. D'autre part, nos dirigeants n'ayant toujours pas intégré la dimension revitalisante des loisirs et des activités culturelles, les citoyens ne peuvent que limiter les sorties. Ce qui, de surcroît, n'a pas d'impact multiplicateur sur les activités commerciales qui peuvent en découler. C'est possible, par exemple, de rendre gratuit le transport des enfants accompagnés d'adultes les week-ends.


Souhaitons que l’annonce de transformer le Champ de Mars en parking géant, au lieu de le convertir en espace vert avec des espaces de jeux, entre autres, ne serait qu’un autre délire qui ne va pas se matérialiser ! Souhaitons, en revanche, que l’excellente idée de chercher la collaboration des Estoniens pour fluidifier le pays avec une informatisation généralisée où chaque citoyen aurait un mot de passe pour effectuer ses démarches sans se déplacer, va elle se matérialiser.

* Nos softwares comme nos hardwares seraient donc parasités ?

Dans le lumineux « The Scandal of Money », George Gilder explique que la monnaie n'est pas uniquement un moyen d'échange économique mais aussi un moyen d'échange d'informations économiques. Ainsi, pour lui, les partisans de la « soft money » seraient pires que des rentiers. Ils seraient des parasites. Quand nous savons que notre monnaie est ultra « soft » et l'asymétrie de l'information intrinsèque prévalant, nous ne pouvons que pleurer notre sort. Ils ne sont pas « kouyons » les dirigeants de l'Estonie, Hong Kong et Singapour pour fonder leur expansion sur un parcours soutenu par de la « hard money ». Touria Prayag, au sein de la presse mainstream, et l'économiste Eric Ng Ping Cheun comptent parmi les rares voix à s'en offusquer.


Heureusement qu’il y a une prise de conscience des parasites dans nos assiettes. J’ai bien peur que les séquelles de l’utilisation abusive des pesticides et des herbicides se fassent dramatiquement sentir. Ajoutons la prédominance de produits tellement transformés, comme le lait en poudre et nos fromages préférés, qui n’ont même pas besoin d’être préservés au frais !

Face à l’épidémie du diabète, par exemple, les Singapouriens ne font pas semblant. Ils ne s’engagent pas à éliminer le diabète, c’est-à-dire se berner dans une illusion, mais à le minimiser avec zéro tolérance face aux dérives qui mènent vers la maladie. Apprenons, comme eux, à thin-slice, gérer, légiférer, communiquer, sanctionner, faciliter, mesurer, accompagner, ajuster et surtout synergiser. Bref, apprenons comment faire fonctionner Maurice en s'entourant des personnes selon leur capacité à créer de la valeur, plutot que selon leur faire-valoir.

Le sentiment “tous pourris” n'est pas soutenable. En politique mainstream, Osman Mahomed et Kavi Ramano, par exemple, ne peuvent pas être des exceptions. N’empêche, aussi longtemps que les parasites, de toutes formes, de toutes couleurs, s'infiltreront dans le système, sans arbitres pour veiller, la confiance ne se manifestera qu'en dents de scie, le cycle vertueux ne sera qu'un fantasme et notre « devlopma »  restera au service du capitalisme débridé !